Le nouveau ministre français des Affaires étrangères, Stéphane Séjourné, a effectué sa première visite officielle au Maroc les 25 et 26 février 2024. Il a eu des entretiens approfondis avec son homologue, Nasser Bourita. Les deux ministres ont abordé plusieurs sujets d’intérêt commun, notamment la coopération bilatérale, la situation régionale et la relance de l’Union pour la Méditerranée (UpM).
La France et le Maroc sont des partenaires historiques et stratégiques, liés par des relations d’amitié et de confiance. Ils partagent une vision commune sur les enjeux de la Méditerranée, qu’ils considèrent comme un espace de dialogue, de coopération et de développement. Ils sont également des acteurs clés de l’UpM, qu’ils ont contribué à créer et à animer.
L’UpM est née en 2008, à l’initiative de la France, qui a voulu donner un nouvel élan au processus de Barcelone lancé en 1995. Il s’agit d’un cadre de partenariat entre les pays de l’Union européenne et les pays du pourtour méditerranéen, visant à renforcer le dialogue politique, la coopération économique et les échanges humains. Le Maroc a joué un rôle de premier plan dans l’UpM, en assurant deux mandats successifs de secrétaire général, de 2012 à 2020. Le Maroc est aussi le seul pays du Sud à participer au financement de l’UpM, et le pays qui a proposé le plus de projets labellisés par l’UpM, une quarantaine, dans des domaines variés comme l’énergie, l’environnement, l’éducation, la culture ou la santé.
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Lors de leur conférence de presse conjointe, les deux ministres ont exprimé leur volonté commune de relancer l’UpM, qui traverse une période de stagnation et de perte de visibilité. Ils ont souligné les défis auxquels fait face la Méditerranée, notamment la crise sanitaire, la montée des tensions, le terrorisme, la migration irrégulière et le changement climatique. Ils ont également dénoncé la géopolitique de la peur qui s’installe dans la région, se traduisant par une politique de rejet et de protectionnisme.
« Ce qui nous inquiète le plus, c’est cette géopolitique de la peur qui s’installe en Méditerranée. C’est une politique de rejet qui se renforce. Elle a commencé par les questions migratoires, et on a vu toute la pression et toutes les politiques de simplification qui considèrent tout ce qui vient du sud de la Méditerranée comme problématique. Et maintenant, on voit ce qui est encore plus dangereux, c’est le protectionnisme. On le voit aussi bien dans les flux humains que dans les flux de marchandises. Tout ce qui vient du sud est problématique, et parfois même avec des raccourcis. On attaque les produits agricoles venant du sud, mais on oublie des choses. » ce pendant le ministre des Affaires étrangères rappelle, chiffre à l’appui : « On oublie que si je prends juste l’agriculture, l’Union européenne fait un excédent avec le Maroc de près de 600 millions d’euros. Et c’est l’Union européenne qui exporte plus vers le Maroc des produits agricoles comme les céréales et autres. Donc, aujourd’hui, mettre la pression sur les produits du Sud n’est pas juste. »
Le libre-échange lui-même était une initiative européenne, comme l’a rappelé Bourita citant l’accord d’association. Et aujourd’hui, l’Union européenne fait un excédent de 10 milliards d’euros avec le Maroc. Cependant, Bourita soutient qu’il faut rappeler ces chiffres pour dire que le libre-échange ne peut pas être à la carte, mais qu’il y a des règles. Et « il y a une autre chose qu’il faut clarifier, c’est le peu de problèmes commerciaux », a déclaré Nasser Bourita, le ministre des Affaires étrangères.
Les deux ministres ont plaidé pour une UpM plus politique, plus inclusive et plus efficace, capable de répondre aux attentes des peuples méditerranéens et de contribuer à la stabilité et au développement de la région. Ils ont appelé à une plus grande implication des pays du Sud, tant sur le plan financier que sur le plan du leadership et du pilotage du processus. Ils ont également insisté sur la nécessité de renforcer le dialogue entre les sociétés civiles, les acteurs économiques et les jeunes.
« Le Maroc et la France doivent aujourd’hui travailler ensemble pour faire renaître cette Union pour la Méditerranée. On doit choisir, et pour nous, ce n’est pas le moment de douter, c’est le moment de se réjouir. Est-ce qu’on veut une Union pour la Méditerranée politique ou est-ce qu’on la veut technique ? Mais on ne peut pas rester dans cette hésitation. Si on pose la question autour de la table méditerranéenne, on aura la même réponse. Et il faut que le Sud assume. Si on veut l’appropriation, il faut qu’on l’assume par la contribution financière. Il faut qu’on sorte de cette dépendance vis-à-vis de la Commission européenne sur le travail de l’Union pour la Méditerranée. Il faut que les gouvernements assument le leadership et le pilotage du processus de l’Union pour la Méditerranée. Sinon, on restera dans cette hésitation. Une Méditerranée des projets, qui est peut-être pertinente, mais qui manque de vision. Où est le volet politique qui était à la base du processus de Barcelone ? Ou on va rester dans une machine technique, déconnectée des réalités de la Méditerranée, sorte de bulle institutionnelle qui traite de sujets sans réflexion sur le renouveau de l’Union pour la Méditerranée », a affirmé Nasser Bourita.
Stéphane Séjourné, le ministre français des Affaires étrangères, a salué la vision et l’engagement du Maroc en faveur de l’UpM. Il a souligné que la France et le Maroc partagent la même ambition de faire de la Méditerranée un espace de paix, de prospérité et de solidarité. Il a annoncé que la France soutiendra les initiatives du Maroc visant à relancer l’UpM, notamment la tenue d’un sommet des chefs d’Etat et de gouvernement, prévu pour le second semestre de 2024. Il a également exprimé sa volonté de renforcer la coordination et la concertation entre les deux pays sur les questions régionales et internationales d’intérêt commun.
« La France et le Maroc sont des alliés, des amis, des partenaires. Nous avons une relation exceptionnelle, fondée sur la confiance, le respect et la coopération. Nous avons une responsabilité commune de faire avancer le projet méditerranéen, qui est essentiel pour la stabilité et le développement de nos deux rives. Nous sommes convaincus que l’UpM est un outil pertinent et efficace pour répondre aux défis et aux opportunités de la Méditerranée. Nous sommes déterminés à travailler ensemble, avec l’ensemble des pays membres de l’UpM, pour lui donner un nouveau souffle, une nouvelle dynamique, une nouvelle ambition. Nous comptons sur le leadership et l’impulsion du Maroc, qui est un pays exemplaire et un acteur incontournable de l’UpM. Nous sommes prêts à accompagner et à soutenir les initiatives du Maroc, notamment l’organisation d’un sommet des chefs d’Etat et de gouvernement, qui sera une occasion historique de relancer le dialogue politique et de donner une nouvelle vision à l’UpM », a déclaré Stéphane Séjourné.
Les deux ministres ont conclu leur conférence de presse en réaffirmant leur volonté de renforcer le partenariat stratégique entre la France et le Maroc, qui est un modèle de coopération Sud-Sud et Nord-Sud. Ils ont également exprimé leur satisfaction quant au niveau de convergence et de complémentarité entre les deux pays sur les questions méditerranéennes. Ils ont enfin réitéré leur engagement à œuvrer ensemble pour faire de l’UpM un levier de paix.