En Afrique du Sud, la crise de l’eau prend des proportions inquiétantes

En Afrique du Sud, la crise de l’eau a pris ces derniers temps des proportions alarmantes, devenant un sujet de préoccupation aussi bien pour les autorités que pour les citoyens et les entreprises.

Force est de constater que les pénuries d’eau persistent depuis des années, mais durant ces derniers mois, elles ont atteint des niveaux inquiétants, une situation attribuée principalement à la mauvaise gestion, à la corruption, au sous-investissement dans les infrastructures hydrauliques, aux délestages électriques, ainsi qu’à la sécheresse qui sévit dans plusieurs régions du pays.

Ainsi, il ne se passe pratiquement aucune semaine sans que les interruptions de l’approvisionnement en eau frappent des ménages et des entreprises, les autorités invoquant souvent les travaux de réparation des canalisations vieillissantes qui s’éclatent de manière très fréquente.

La société en charge du traitement de l’eau dans la province de Gauteng «Rand Water» a annoncé il y a quelques jours qu’une de ses stations de pompage a été arrêtée suite à une coupure d’électricité massive, affectant en particulier la plus grande métropole du pays, Johannesburg.

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Dans la ville du Cap, la Direction de l’eau et de l’assainissement a annoncé des travaux de maintenance des canalisations, entraînant des perturbations de l’approvisionnement en eau dans plusieurs quartiers de la ville.

Idem pour la province de Mpumalanga (est), où la situation est encore plus alarmante. Après plusieurs années d’interruptions incessantes de l’alimentation en eau potable, la ville de Nelspruit (Mbombela) a été sommée par la Commission sud-africaine des droits de l’homme (SAHRC) de se conformer à la réglementation nationale en vigueur.

Selon Anja du Plessis, professeure agrégée et experte en gestion de l’eau à l’Université d’Afrique du Sud, les Conseils élus sont de parfaits exemples de la mauvaise gouvernance, de la gestion déficiente de l’eau, ainsi que de l’absence de volonté politique au cours des deux dernières décennies.

«Le manque de planification et de gestion de la demande croissante en eau due à l’augmentation de la population, à la migration et à l’expansion des zones urbaines est l’une des causes majeures de la situation actuelle», a-t-elle argué.

L’une des manifestations flagrantes de cette mauvaise gouvernance réside dans les arriérés de non paiement des factures d’eau accumulées par les collectivités locales. Rand Water a décidé ainsi de réduire le débit d’eau de 20 % vers les municipalités qui n’ont pas réglé leur situation financière, menaçant d’appliquer une réduction supplémentaire de 20 % d’ici fin 2024.

La pénurie d’eau est liée également à la crise énergétique qui sévit dans le pays depuis près de deux décennies. Les coupures de courant fréquentes ont eu un impact dévastateur sur les infrastructures hydrauliques, entraînant des pannes d’approvisionnement en eau et une dégradation des performances des stations de traitement des eaux usées.

En effet, les réseaux de traitement et de distribution de l’eau nécessitent de l’électricité pour pomper l’eau vers les châteaux d’eau et les réservoirs, puis vers les consommateurs. Mais les coupures de courant prolongées interrompent ce processus.

Il en va de même pour les stations d’épuration des eaux usées. Les délestages électriques, appelés localement «loadshedding», peuvent provoquer des déversements d’eaux usées si aucune pompe de secours fonctionnelle n’est en place.

Par ailleurs, l’Afrique du Sud souffre d’une demande en eau excessive, alors que les quantités disponibles sont insuffisantes pour répondre aux besoins des différents secteurs économiques et des consommateurs, notamment dans un contexte marqué par une sécheresse persistante.

Face à cette multitude de problèmes qui ont un impact direct sur le quotidien des Sud-africains, le gouvernement a mis en œuvre une initiative baptisée « water-shifting » (déplacement de l’eau). Il s’agit d’un plan visant à répartir l’impact des coupures d’eau en déplaçant l’eau depuis les zones moins touchées vers celles éprouvant un manque d’approvisionnement.

Cependant, les experts ont exprimé leur réticence face à cette mesure aperçue comme une solution temporaire à ce problème structurel, arguant que son implémentation ne résoudra pas les problèmes profonds tels que les infrastructures en délabrement et les pertes d’eau considérables.