Mounia Boucetta : « L’Alliance atlantique renforce l’attractivité des investissements étrangers »

Mounia Boucetta.MD

Soufiane Guellaf

Mounia Boucetta, ancienne Secrétaire d’État auprès du ministre des Affaires étrangères et de la Coopération internationale et Senior Fellow au Policy Center For The New South, a présenté une communication intitulée « Vision Royale pour le Sahel : Approche multidimensionnelle, stratégies de connectivité et d’intégration économique transatlantique ». Au début de son intervention, Mme Boucetta a abordé le positionnement stratégique de l’espace atlantique, l’approche et la portée de l’Initiative Royale, ainsi que le potentiel de développement des pays du Sahel.

Concernant le bassin Atlantique, Mme Boucetta a souligné qu’il suscite aujourd’hui un vif intérêt et attire de nombreux investissements. Il est important de noter que ce bassin connaît un dynamisme croissant ces dernières années, se manifestant à travers trois aspects principaux : le commerce, qui a toujours été historique, et deux nouvelles dimensions, l’énergie et le numérique, qui s’ajoutent à cette dynamique économique.

En matière de dynamiques énergétiques, Mme Boucetta a annoncé la création de hubs d’approvisionnement, de transit et de consommation au sein de ce bassin. Ces dernières années, leur importance a été rehaussée par les transporteurs à la recherche de zones sécurisées. De plus, la connexion entre quatre continents — l’Amérique du Nord et du Sud, l’Afrique et l’Europe — ouvre de multiples opportunités pour tous les pays de ce bassin.

Elle a également évoqué les disparités significatives entre les hémisphères nord et sud. Les statistiques montrent une concentration importante des échanges transatlantiques entre l’Europe et l’Amérique du Nord, une émergence notable en Amérique latine et un potentiel énorme en Afrique, notamment dans le domaine numérique. Les cartes mondiales révèlent une évolution au cours des dernières décennies, avec des analyses suggérant une augmentation de près de 55 % du flux de données par rapport aux routes transpacifiques.

La densité de la population influence également cette dynamique. Le long des côtes de l’Amérique du Nord, de l’Amérique du Sud, de l’Europe et de l’Afrique, le bassin Atlantique est l’une des zones les plus densément connectées au monde grâce à des câbles sous-marins.

« On estime qu’il y aura une augmentation d’environ 38 % dans l’installation de câbles sous-marins entre 2022 et 2025 », a-t-elle déclaré. Quant au potentiel économique du bassin, il représenterait près de la moitié du PIB mondial. Cependant, c’est une zone qui présente à la fois une grande richesse et une extrême pauvreté, avec d’importantes disparités, ce qui souligne le potentiel de développement par l’amélioration de l’infrastructure et des flux dans cette région.

Mme Boucetta a abordé un autre point qu’elle considère comme stratégique pour le bassin : le climat et la météorologie. En effet, le bassin Atlantique joue un rôle central en permettant, grâce à la circulation océanique, une redistribution de la chaleur, ce qui en fait un centre d’observation essentiel pour anticiper les effets du changement climatique sur la région.

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Concernant les secteurs porteurs, elle a cité l’énergie verte ou la croissance verte comme un segment important, confirmant qu’il existe un énorme potentiel pour les énergies renouvelables éoliennes et solaires, ainsi que de nouvelles perspectives liées à l’hydrogène vert, un carburant alternatif pour les industries difficiles à décarboner et pour la mobilité des navires et des avions.

Plusieurs pays, notamment en Afrique et en Amérique latine, et en particulier au Maroc, pourraient se positionner comme des hubs d’approvisionnement en énergie verte, favorisant ainsi l’émergence de stations d’approvisionnement pour les navires.

L’oratrice a attiré l’attention sur l’initiative Royale, lancée à l’occasion du 48e anniversaire de la Marche verte pour le développement de la façade afro-atlantique. « C’est une dynamique d’intégration continentale très stratégique qui vient soutenir d’autres initiatives. L’agenda de l’Union africaine 2063 place l’intégration au cœur du développement économique et social, faisant de cette initiative un levier important et multidimensionnel », a-t-elle affirmé.

Pour faire face au décalage économique, l’oratrice a assuré que des leviers existent, notamment dans les infrastructures logistiques portuaires et l’intégration énergétique.

En ce qui concerne les ressources naturelles, Mme Boucetta a précisé que cette initiative a un effet catalyseur de transformation, avec un impact qui s’étendra à 23 pays et aux pays du Sahel. Cependant, elle a évoqué la privation de l’accès à la mer comme un handicap économique sérieux pour les pays concernés, car elle les prive de ressources maritimes et les exclut potentiellement du commerce maritime, qui représente une part importante des échanges internationaux de marchandises.

Concernant les régions côtières, elle a estimé qu’elles bénéficient généralement d’une densité de population élevée et d’une prospérité supérieure à celle des régions intérieures. Près de 40 % des pays sans littoral figurent parmi les pays les moins avancés, combinant faible revenu, faible développement et instabilité économique.

Revenant sur la région du Sahel, elle a souligné qu’elle est marquée par plusieurs paradoxes. « C’est une région riche de sa jeunesse, avec près de 65 % de la population âgée de moins de 25 ans, et de son potentiel minier, avec des gisements d’or, de phosphate, de pétrole, de fer, de manganèse, d’uranium, de marbre, ainsi que des possibilités pétrolières et de métaux rares », a-t-elle ajouté.

Mme Boucetta a souligné l’importance de l’attractivité des investissements étrangers, car de nombreux projets ne sont pas viables en raison du coût élevé de la logistique, qui entrave l’accès aux ports. « Le manque de connectivité fragilise les pays et les maintient dans des situations d’insécurité. Enfin, la non-accessibilité au marché de l’exportation, vaste et étendu dans le bassin, est un dernier obstacle majeur ».