Approvisionnement en céréales : 2024, une année difficile en perspective

Approvisionnement en céréales

Par Meryem Idrissi

Dans une interview accordée à Maroc diplomatique, le Dr Abdellah Aboudrare, ingénieur agronome, chercheur et enseignant à l’Ecole nationale d’agriculture de Meknès, expert en agriculture de conservation et en mécanisation agricole, a livré son analyse sur la situation de la production céréalière au Maroc, confrontée aux défis de la sécheresse, du changement climatique et de la sécurité alimentaire.

Depuis quelques années, le Maroc vit une situation pluviométrique alarmante. De ce fait, le Dr Abdellah Aboudrare a dressé un bilan alarmant de la situation de la production céréalière au Maroc, qui subit les effets de la sécheresse depuis six années consécutives. Il a indiqué que la pluviométrie moyenne de la campagne 2023-2024 était de 77 mm, soit une baisse de 54 % par rapport à la moyenne des 40 dernières années, et de 44 % par rapport à la campagne précédente, qui était déjà sèche. Il a ajouté que cette pluviométrie, en plus de sa faiblesse, était mal répartie et est parvenue en trois épisodes : fin octobre, début décembre et début janvier. Il a expliqué que ces conditions climatiques défavorables avaient impacté négativement l’implantation des céréales lors de cette campagne, et que les superficies emblavées en céréales n’étaient que de 2,3 millions d’hectares, contre plus de 4 millions d’hectares en année normale. En plus, il a précisé que la production céréalière de cette année serait très faible et inférieure à celle de l’année précédente, déjà faible, et qu’elle serait concentrée principalement dans les zones bour favorables du Saïs, Gharb, Loukkos et zones du Nord. Il a estimé que l’année 2024 serait une année difficile pour le Maroc en matière d’approvisionnement en céréales et que la facture des importations serait très élevée.

Face à ce constat, le Dr Abdellah Aboudrare a plaidé pour l’adoption de l’agriculture de conservation et de la mécanisation agricole qu’il considère comme des solutions efficaces pour améliorer la productivité, la rentabilité et la durabilité des systèmes agricoles au Maroc. Par ailleurs, il a défini l’agriculture de conservation comme un ensemble de pratiques agricoles qui visent à préserver la fertilité du sol, à réduire l’érosion, à économiser l’eau, à augmenter la biodiversité et à atténuer les émissions de gaz à effet de serre. Dans ce sens, il a cité les trois principes fondamentaux de l’agriculture de conservation, à savoir : le non-labour ou le travail minimal du sol, le maintien d’une couverture végétale permanente sur le sol, et la rotation ou l’association des cultures. L’ingénieur agronome a affirmé que l’agriculture de conservation permettait d’augmenter les rendements des cultures, de réduire les coûts de production, de s’adapter aux aléas climatiques et de préserver l’environnement. Il a donné l’exemple de l’expérience réussie de l’adoption de l’agriculture de conservation par les agriculteurs du Saïs, qui ont pu doubler leur production de blé dur en passant de 15 à 30 quintaux par hectare, tout en réduisant leur consommation d’eau de 50 %.

Mécanisation agricole

Sur l’importance de la mécanisation agricole, le Dr Abdellah Aboudrare a également souligné l’utilisation des machines et des équipements pour réaliser les opérations agricoles. Il a indiqué que la mécanisation agricole permettait de réduire la pénibilité du travail, d’améliorer la qualité des produits, de gagner du temps, de réduire les pertes post-récolte, et d’augmenter la compétitivité des exploitations. Il a aussi précisé que la mécanisation agricole devait être adaptée aux conditions agro-écologiques, socio-économiques et culturelles des agriculteurs, et qu’elle devait être accompagnée d’un appui technique, financier et institutionnel. Enfin, il a mentionné les différents types de mécanisation agricole, tels que la traction animale, la traction mécanique, les outils manuels, les outils motorisés, les drones, les robots, etc. Il a illustré son propos par l’exemple du projet de développement de la mécanisation agricole dans les zones bour du Maroc, qu’il a coordonné avec le soutien du Fonds International de Développement Agricole (FIDA), et qui a permis de doter plus de 3.000 agriculteurs de machines et d’équipements adaptés à leurs besoins, tels que des semoirs directs, des pulvérisateurs, des motoculteurs, des motopompes, etc