L’Organisation Météorologique Mondiale (OMM) a publié, ce lundi 12 mai, son rapport sur l’état du climat en Afrique en 2024. Les résultats sont alarmants. Selon le rapport, l’année 2024 se classe à la première ou à la deuxième place des années les plus chaudes jamais enregistrées. Par ailleurs, la dernière décennie a été la plus chaude de l’histoire des relevés. Autour des côtes africaines, les températures de surface de la mer ont atteint des niveaux records. Toujours selon le rapport, la superficie touchée par des vagues de chaleur marine en 2024 est la plus étendue jamais observée depuis le début des mesures, en 1993.
Selon le rapport, les conditions météorologiques extrêmes et les effets du changement climatique affectent désormais tous les aspects du développement socio-économique du continent africain. Ils aggravent la faim, l’insécurité et les déplacements de population.
L’Afrique, déjà fragilisée par les conflits, a compté, à la fin de l’année 2024, quelque 83,4 millions de déplacés internes. Près de 90 % de ces déplacements sont liés à des crises internes. Pourtant, selon l’OMM, les conflits armés n’en sont pas les principales causes. Ce sont aussi les événements climatiques extrêmes qui alimentent ces mouvements de population. A titre d’exemple, en Afrique de l’Ouest et en Afrique centrale, des pluies torrentielles ont frappé plusieurs pays, comme le Nigeria, le Niger, le Tchad, le Cameroun et la République centrafricaine, affectant des milliers de personnes.
L’Agence onusienne basée à Genève indique que la température moyenne à la surface de l’Afrique en 2024 était supérieure d’environ 0,86 °C à la moyenne de la période 1991-2020, alors que l’Afrique du Nord se distingue comme la sous-région qui se réchauffe le plus rapidement du continent, avec une anomalie thermique atteignant +1,28°. Ces vagues de chaleur représentent une menace croissante pour la santé publique et le développement économique et social du continent.
Pic de chaleur marine : des océans en surchauffe
Les températures de surface de la mer ont également atteint des niveaux sans précédent. « Des hausses particulièrement marquées ont été observées dans l’océan Atlantique et la mer Méditerranée », souligne l’OMM.
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Dans ce contexte, le niveau du lac Kariba en Afrique australe, le plus grand lac artificiel du monde, a chuté de façon critique, entraînant une baisse significative de la production d’énergie hydroélectrique, ce qui a affecté les capacités industrielles locales et freiné la croissance économique. Au Zimbabwe, les coupures de courant prolongées dues à la sécheresse ont notamment pesé sur les activités économiques.
Le continent fait également face à une pénurie d’eau persistante et à une insécurité alimentaire croissante, en particulier dans plusieurs pays d’Afrique du Nord.
L’éducation des enfants à l’épreuve du climat
Les vagues de chaleur extrême ont aussi un impact direct sur l’éducation. En mars 2024, les écoles du Soudan du Sud ont été contraintes de fermer lorsque les températures ont atteint 45 °C. Selon le Fonds des Nations unies pour l’enfance (UNICEF), au moins 242 millions d’élèves dans le monde ont manqué l’école en 2024 à cause de conditions météorologiques extrêmes. Une part importante de ces élèves se trouve en Afrique subsaharienne, où les systèmes éducatifs sont déjà fragiles.
Le Soudan du Sud parmi les pays les plus affectés
Le Soudan du Sud figure parmi les pays les plus touchés par les effets du changement climatique. Ces derniers mois, des inondations dévastatrices ont privé des milliers d’éleveurs de leurs biens et moyens de subsistance. En octobre dernier, environ 300 000 personnes ont été directement affectées par ces crues.
Cette catastrophe naturelle s’ajoute à une crise économique déjà paralysante, à des déplacements massifs de population exacerbés par la guerre au Soudan voisin, ainsi qu’à une escalade des tensions internes et à une violence généralisée. Le pays fait face à une situation humanitaire critique, où les chocs climatiques aggravent un contexte déjà instable.
L’intelligence artificielle, un levier clé contre l’urgence climatique
Dans son rapport 2024 sur l’état du climat en Afrique, publié en même temps que ceux de l’IDMC (Centre de surveillance des déplacements internes) et du NRC (Conseil norvégien pour les réfugiés), l’OMM met en lumière le rôle croissant des technologies de pointe dans la lutte contre les dérèglements climatiques.
L’intelligence artificielle, les modèles de prévision numérique du temps et les outils de surveillance mobiles permettent désormais d’améliorer la précision, l’efficacité et l’accessibilité des services climatiques en Afrique. La transformation numérique à grande échelle ouvre de nouvelles perspectives : elle facilite la compréhension des aléas, réduit les incertitudes, et renforce les mécanismes de décision.
Cependant, le rapport souligne qu’un véritable saut technologique ne pourra se faire sans investissements soutenus dans les infrastructures, un meilleur partage des données, et la mise en place de services climatiques plus inclusifs et accessibles à tous.
Le dessalement : une solution prometteuse, mais inégalement accessible
Le Maroc, tout comme d’autres pays africains, subit de plein fouet les effets du changement climatique. La situation hydrique y devient de plus en plus critique, en raison de la sécheresse persistante, du faible taux de remplissage des barrages et de la baisse alarmante du niveau des nappes phréatiques.
Face à cette pénurie d’eau croissante, le Royaume a fait le choix stratégique du dessalement de l’eau de mer pour assurer l’approvisionnement en eau potable. Aujourd’hui, le pays compte déjà 12 stations de dessalement, et prévoit d’en porter le nombre à 20 d’ici 2030. L’objectif est clair : à l’horizon 2030, 50 % de l’eau potable consommée au Maroc devra provenir du dessalement. Actuellement, la capacité annuelle s’élève à 216 millions de mètres cubes, un chiffre ambitieux, appelé à croître avec les projets en cours. Entre 2024 et 2045, la construction de 16 nouvelles usines est prévue, avec une capacité supplémentaire estimée à 1,49 milliard de mètres cubes par an.
Cependant, si le dessalement, qui consiste à extraire le sel de l’eau de mer, représente une solution prometteuse pour un pays comme le Maroc, il reste hors de portée pour de nombreux pays africains. Les défis économiques, logistiques et environnementaux rendent cette technologie difficilement viable à grande échelle en Afrique subsaharienne.
Pour de nombreux experts environnementaux, il est essentiel de ne pas considérer le dessalement comme une panacée. Il devient urgent d’investir parallèlement dans des mesures d’adaptation, notamment dans des systèmes d’alerte précoce, afin d’anticiper les crises hydriques et de renforcer la résilience des populations.
« Compte tenu des difficultés rencontrées en Afrique subsaharienne, le dessalement représente un défi économique, environnemental et social complexe, et l’on peut s’interroger sur sa durabilité et son équité à long terme », explique Dawit Solomon, chercheur impliqué dans un projet portant sur les impacts de la recherche climatique pour l’Afrique.