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Urbanisation en Afrique : les villes nouvelles comme réponse à l’explosion démographique

Alors que les grandes métropoles africaines subissent une pression croissante liée à l’explosion démographique, plusieurs pays du continent font le pari audacieux de créer de nouvelles villes. L’objectif ? Désengorger les centres urbains saturés, anticiper les besoins en logement, en mobilité, en sécurité et en services publics, tout en stimulant leur développement économique. L’Égypte illustre cette tendance par un nouveau projet spectaculaire en plein désert à l’ouest du Caire.

Plusieurs villes africaines font actuellement face à un défi majeur : la densité de la population. Ce phénomène engendre des problèmes dans les pays africains sur les différents aspects économiques, environnementaux et sécuritaires.

En 2025, Le Caire, en tant que zone métropolitaine, devrait atteindre une population estimée à 23 millions d’habitants, enregistrant une croissance de 1,99 % par rapport à 2024, selon une analyse des données de Macrotrends. Cette croissance continue exerce une pression considérable sur les infrastructures existantes, les services publics et le marché du logement. Cette densité urbaine croissante justifie en partie les décisions du gouvernement égyptien de développer une nouvelle ville à l’ouest du Caire : Jirian : une “révolution urbaine” au cœur du désert égyptien, pour désengorger la capitale, mieux répartir la population et planifier un développement urbain plus résilient face aux défis environnementaux, économiques et sociaux.

Le projet de Jirian, lancé officiellement en 2024, s’inscrit dans une stratégie de transformation profonde de l’espace urbain égyptien. Située dans l’ouest désertique du Caire, cette ville nouvelle s’articule autour d’un canal artificiel dérivé du Nil, conçu pour irriguer à la fois les terres agricoles du “Nouveau delta” et alimenter une cité verte et futuriste.

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Pensée pour accueillir entre 2,5 et 3 millions de familles, Jirian ambitionne de générer 250 000 emplois à travers des zones industrielles, logistiques, culturelles, universitaires et résidentielles. À l’image de nombreux mégaprojets initiés par le président Abdel Fattah al-Sissi, cette ville incarne une volonté de rééquilibrer la pression démographique tout en diversifiant l’économie.

Mais cette ambition urbaine a un coût : l’Égypte, dont la dette extérieure a atteint 155,2 milliards de dollars fin 2024, est fortement dépendante de l’aide du Fonds International monétaire (FMI) et de l’Union européenne (UE). Cette dépendance financière soulève des interrogations sur la soutenabilité de tels projets à long terme.

L’un des aspects singuliers du projet Jirian réside dans son intégration à une dynamique agricole plus large : le nouveau “delta du Nil”. Cette initiative vise à convertir plus de 2,5 millions d’acres désertiques en terres cultivables pour renforcer la sécurité alimentaire, dans un pays fortement dépendant des importations de blé et de maïs.

Sur le plan sécuritaire, l’enjeu de l’eau est crucial : 97 % de l’eau douce de l’Égypte provient du Nil, et les tensions persistantes avec l’Éthiopie autour du Grand Barrage de la Renaissance rendent cruciale la gestion des ressources hydrauliques. Jirian, avec son canal central, devient ainsi à la fois un symbole d’innovation et un outil stratégique de sécurisation des ressources.

Cependant, sur le plan environnemental, la ville est conçue avec des infrastructures écologiques : hôtels durables, espaces verts, et une proximité directe avec les trésors culturels du pays comme le Grand Musée égyptien ou les pyramides de Gizeh. Le tout ambitionne de faire de Jirian une vitrine du “nouvel urbanisme africain”.

Une réponse continentale à la crise urbaine africaine

L’Égypte n’est pas seule dans cette démarche. D’autres pays africains sont confrontés aux mêmes défis de densité urbaine excessive. Plusieurs capitales historiques sont aujourd’hui saturées, ce qui a poussé certains États à créer de nouvelles capitales ou centres urbains stratégiques.

  • Lagos – Ancienne capitale du Nigeria, avec ses 22 millions d’habitants, est l’une des villes les plus peuplées d’Afrique. En raison de la congestion extrême, le gouvernement a transféré la capitale fédérale à Abuja en 1991, une ville nouvelle construite dans le centre du pays pour une meilleure accessibilité et un urbanisme maîtrisé.
  • Abidjan – Capitale de la Côte d’Ivoire, malgré une planification initiale ambitieuse, a vu sa population exploser à plus de 6 millions d’habitants, avec une densité particulièrement forte dans les communes populaires comme Yopougon ou Abobo. Le gouvernement envisage des projets de décentralisation urbaine, notamment autour de Yamoussoukro, la capitale politique.
  • Johannesburg – Capitale de l’Afrique du Sud, n’a pas connu un transfert de capitale, mais la ville souffre d’une ségrégation spatiale historique et d’une densité très marquée dans les townships périphériques. L’émergence de villes satellites comme Midrand ou Sandton illustre une tentative de déconcentration des activités économiques.

Si les projets comme Jirian, Abuja ou Yamoussoukro relèvent d’une logique de désengorgement, ils sont aussi de puissants symboles politiques. Ils traduisent la volonté des États de s’inscrire dans la modernité, d’attirer les investissements, et de répondre aux attentes d’une jeunesse urbaine en forte croissance.

Cependant, les défis restent immenses : financement, inégalités d’accès au logement, gestion durable des ressources, et surtout intégration sociale et territoriale. Construire une ville est une chose ; la faire vivre durablement en est une autre.

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