Le Mali poursuit résolument sa dynamique de refondation politique à travers l’élaboration d’un instrument majeur : la Charte nationale pour la paix et la réconciliation. Conçue comme une réponse souveraine aux défis sécuritaires et sociaux persistants, cette Charte marque une rupture définitive avec l’Accord d’Alger, jugé désormais obsolète par les autorités maliennes.
Lancée en juin 2024 à l’initiative du président de la Transition, le Colonel Assimi Goïta, la rédaction de la Charte vise à établir un nouveau socle politique et institutionnel, propre au contexte malien. Cette démarche s’inscrit dans la volonté affichée du gouvernement de s’affranchir des accords antérieurs imposés sous médiation internationale.
En janvier 2024, Bamako annonçait officiellement son retrait de l’Accord pour la paix issu du processus d’Alger (2015), dénonçant son inefficacité face à la résurgence de la violence dans le nord et le centre du pays, ainsi que ses contraintes jugées contraires à la souveraineté nationale.
Cependant, la rédaction de cette Charte a été confiée à une commission nationale présidée par l’ancien premier ministre Ousmane Issoufi Maïga. Malgré des retards dus à des difficultés logistiques lors des consultations citoyennes, un avant-projet avait été présenté dès octobre 2024.
Le processus participatif s’est intensifié entre février et avril 2025, avec des consultations sur le terrain dans toutes les régions du pays. Ces contributions ont permis d’enrichir substantiellement le contenu de la Charte, qui comprend aujourd’hui 16 titres, 39 chapitres et 105 articles, couvrant des thématiques clés telles que la sécurité, la justice, la gouvernance, la cohésion nationale et la mémoire collective.
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Présidée par le premier ministre M. Abdoulaye Maïga, la réunion stratégique du 26 mai 2025 à la Primature a permis de finaliser les derniers ajustements du texte. Son adoption officielle est prévue pour le 30 juin 2025.
La Charte propose une vision politique novatrice et ambitieuse. Elle place au cœur de son projet des valeurs fondatrices telles que le patriotisme, la loyauté envers la nation, le respect de l’autorité parentale, ainsi que la valorisation du travail et de la solidarité intercommunautaire.
Sur le plan institutionnel, elle met en avant les principes de justice équitable, de transparence dans la gouvernance, de liberté d’expression et de presse, tout en engageant l’État dans une lutte déterminée contre la corruption et les abus financiers. Fait notable, la Charte accorde une place importante aux mécanismes traditionnels et endogènes de résolution des conflits, dans une logique de réappropriation culturelle.
Réformes politiques : une rupture avec l’ancien système
Cette initiative s’inscrit dans une dynamique plus large de refondation de l’État. Le 13 mai 2025, un décret présidentiel a dissous l’ensemble des partis politiques et organisations à caractère politique. Cette mesure, inédite dans l’histoire contemporaine du Mali, vise selon les autorités à réorganiser l’espace politique national dans un souci de rationalisation et d’efficacité.
Si le gouvernement affirme vouloir créer un système plus cohérent et représentatif, cette décision a suscité une vague de critiques, certains analystes y voyant les signes d’un glissement autoritaire.
Une nouvelle architecture législative est actuellement en cours de conception pour structurer le futur paysage politique. Celle-ci devrait redéfinir les règles de participation politique, marquant une rupture définitive avec le multipartisme tel qu’il a existé depuis les années 1990.