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Terrorisme au Sahel : la CEDEAO relance son projet de force régionale sans l’AES

Confrontée à une recrudescence des attaques djihadistes, la Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO) tente de raviver sa stratégie sécuritaire commune, amputée de trois membres clés. L’organisation ouest-africaine accélère la mise en œuvre d’une force régionale de lutte contre le terrorisme, alors même que ses capacités de coordination ont été sérieusement affaiblies.

La CEDEAO entend redonner corps à un vieux projet : la constitution d’une force régionale autonome pour lutter contre les groupes armés terroristes qui sévissent dans la bande sahélienne et le nord du golfe de Guinée. Face à l’intensification des violences, l’organisation s’apprête à lancer des discussions sur les modalités de financement de cette nouvelle force, avec un calendrier resserré. Selon plusieurs médias marocains, des négociations sont prévues en juin, tandis que des promesses de contribution en troupes sont déjà en cours de recensement.

Cette relance intervient dans un contexte d’urgence. Au Nigeria et au Bénin, plus de 150 civils ont été tués en quelques jours dans une série d’attaques revendiquées ou attribuées à des factions djihadistes. Ces violences viennent souligner, une fois de plus, la porosité des frontières régionales et l’incapacité persistante des États à enrayer la progression des groupes armés affiliés à l’État islamique ou à Al-Qaïda.

Si la volonté politique semble réaffirmée, la configuration régionale actuelle complique fortement l’opérationnalisation du projet. Le départ du Mali, du Burkina Faso et du Niger de la CEDEAO, officialisé en janvier 2024 et réaffirmé par la création de l’Alliance des États du Sahel (AES), a profondément désorganisé les mécanismes sécuritaires ouest-africains.

Or, ces trois pays constituaient jusqu’à récemment les pivots de la lutte antiterroriste dans la région, du fait de leur exposition directe à l’insécurité. Ils étaient également membres actifs du G5 Sahel, désormais moribond, et partenaires centraux des missions internationales comme Barkhane ou Takuba.

La CEDEAO, qui avait déjà connu des difficultés à articuler une stratégie militaire collective durant la décennie écoulée, se trouve donc contrainte de repenser ses alliances et ses capacités logistiques dans un périmètre géographique réduit. La coopération militaire reste vive avec des pays comme le Nigeria, le Ghana, le Sénégal ou la Côte d’Ivoire, mais l’absence des États sahéliens majeurs pose la question de l’efficacité réelle d’une telle force dans la zone la plus affectée par les violences.

Une tentative de réaffirmation régionale

Pour les dirigeants de la CEDEAO, relancer ce projet est aussi une manière de ne pas abandonner le terrain aux nouvelles dynamiques sécuritaires impulsées par l’AES, perçue comme une alternative politique en rupture avec les cadres d’intégration traditionnels. L’initiative vise également à répondre aux critiques sur l’inaction de l’organisation depuis le début des putschs successifs qui ont bousculé l’ordre constitutionnel dans la région entre 2020 et 2023.

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En 2022, la CEDEAO avait déjà évoqué la création d’une force régionale, qui aurait à la fois une mission de lutte contre le terrorisme et de rétablissement de l’ordre constitutionnel. Mais les divergences internes, les limites budgétaires et l’absence de consensus stratégique avaient freiné son aboutissement.

Cette fois, les responsables ouest-africains entendent faire de la menace terroriste un point de convergence. En s’appuyant sur les armées nationales volontaires et sur une mutualisation des moyens, ils espèrent renforcer la résilience des pays membres les plus exposés, tout en montrant que l’option communautaire reste viable.

Défis logistiques et incertitudes financières

La concrétisation de cette force reste cependant suspendue à plusieurs inconnues majeures. D’abord, la question du financement : la CEDEAO ne dispose pas d’un budget militaire autonome suffisant pour soutenir une opération multinationale d’envergure. Des sollicitations auprès de partenaires internationaux, notamment l’Union européenne, les États-Unis ou certains bailleurs du Golfe, sont attendues lors des discussions prévues en juin.

Ensuite, la coordination opérationnelle pose problème. Sans une structure de commandement unifiée, sans mécanisme d’échange de renseignements solide, et sans logistique conjointe éprouvée, le risque d’une coalition inefficace reste élevé.

Enfin, les opinions publiques des pays membres – souvent critiques à l’égard des engagements militaires extérieurs – pourraient limiter la marge de manœuvre des gouvernements. Le souvenir des difficultés rencontrées par la Mission de la CEDEAO en Gambie (ECOMIG), ou par les interventions au Mali dans les années 2010, demeure encore vif.

La multiplication des acteurs, la fragmentation des alliances et la dégradation du dialogue régional compliquent désormais toute stratégie concertée de lutte contre le terrorisme. Alors que les groupes armés continuent de muter, de se déplacer et d’élargir leurs zones d’influence, les dispositifs de réponse demeurent eux souvent figés dans des cadres institutionnels affaiblis.

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