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Sécurité en Afrique : le Cameroun rejoint la Coalition islamique contre le terrorisme

Le drapeau du Cameroun flotte désormais à Riyad aux côtés de ceux de quarante-deux autres nations musulmanes, scellant son entrée officielle dans la Coalition islamique militaire contre le terrorisme (CIMCT). Si le geste peut sembler symbolique, il traduit en réalité une inflexion stratégique de grande portée : l’ambition renouvelée des puissances du Golfe, en tête desquelles l’Arabie saoudite et le Qatar, mais aussi d’un partenaire clé comme la Turquie, de redéfinir leur rôle sécuritaire sur le continent africain.

La cérémonie de ce lundi dans la capitale saoudienne n’était pas qu’un exercice de protocole diplomatique. En accueillant le Cameroun comme 43e membre de la CIMCT, Riyad envoie un message clair : les enjeux sécuritaires africains ne peuvent plus être dissociés des dynamiques géopolitiques du Moyen-Orient. L’événement s’est déroulé en présence du secrétaire général de la Coalition, le général de division Mohammed Al-Moghidi, de l’ambassadeur du Cameroun en Arabie saoudite, Iya Tidjani, et de plusieurs délégations officielles. Derrière les discours empreints de courtoisie diplomatique, c’est la montée en puissance d’un axe arabo-musulman en quête d’influence au sud du Sahara qui se dessine.

Le général Al-Moghidi n’a pas dissimulé l’intérêt stratégique de cette nouvelle adhésion. Il a salué « le rôle actif du Cameroun dans les initiatives antiterroristes régionales », notamment face à Boko Haram, dont les incursions dans l’extrême-nord du pays ont fait du Cameroun un maillon crucial dans la stabilité de la région du lac Tchad. L’adhésion vient donc entériner une convergence d’intérêts : d’un côté, un État africain en quête de soutien logistique, militaire et diplomatique dans sa lutte contre l’extrémisme violent ; de l’autre, des puissances du Golfe désireuses d’élargir leur empreinte stratégique en Afrique subsaharienne, là où les influences occidentales — françaises notamment — se sont effritées.

Car au-delà du cas camerounais, la dynamique est plus large. La CIMCT, lancée par l’Arabie saoudite en 2015, s’est longtemps voulue comme la réponse sunnite aux menaces transnationales posées par les groupes djihadistes. Mais elle s’est progressivement transformée en plateforme diplomatique à visée continentale. Son activisme croissant en Afrique s’inscrit dans une volonté explicite de contrecarrer les réseaux chiites, mais aussi de proposer une alternative aux coalitions occidentales, dont l’impopularité grandit dans certaines capitales africaines.

Le Qatar, partenaire de plus en plus visible dans les arènes africaines, et la Turquie, qui déploie ses forces en Somalie tout en multipliant les accords de défense avec des pays sahéliens, participent aussi de cette projection sécuritaire arabe vers l’Afrique. Dans cette nouvelle architecture régionale, la CIMCT apparaît moins comme une simple alliance militaire que comme l’instrument d’un soft power stratégique, mêlant coopération sécuritaire, formation, échanges de renseignements et légitimation politique des régimes alliés.

Pour Yaoundé, l’enjeu est tout aussi clair. En s’alignant sur cette coalition, le Cameroun cherche à élargir sa base d’appui militaire et diplomatique, à un moment où la présence occidentale sur son sol est contestée et où la guerre asymétrique contre Boko Haram et l’État islamique en Afrique de l’Ouest reste un défi majeur. Cette adhésion pourrait aussi ouvrir la voie à des transferts de technologie, à des appuis en matière de renseignement ou à des financements sécuritaires, dans un contexte budgétaire tendu.

Ainsi, derrière l’adhésion camerounaise à la CIMCT se profile un basculement discret mais décisif : l’émergence d’un partenariat arabo-africain en matière de sécurité, structuré autour de Riyad, Doha et Ankara, qui pourrait, à terme, rebattre les cartes de l’influence militaire sur le continent. Un mouvement que les chancelleries occidentales observent avec une attention croissante, à mesure que s’efface l’ère des tutelles unipolaires.

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