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Rome snobe Tebboune : symptôme d’une diplomatie algérienne en panne

La visite officielle d’Abdelmadjid Tebboune en Italie, le 22 juillet, s’est transformée en épisode embarrassant pour le chef de l’État algérien. Accueilli par le ministre italien de la Défense — un geste inhabituel pour une rencontre de niveau présidentiel — et conspué par des manifestants algériens en exil, le président a vu son déplacement entaché par une humiliation protocolaire et un isolement diplomatique croissant.

Le président algérien a été accueilli à Rome non par son homologue Sergio Mattarella, ni par la présidente du Conseil Giorgia Meloni, mais par le ministre italien de la Défense, Guido Crosetto, sans garde d’honneur présidentielle ni cérémonie officielle. Cette réception, en net décalage avec les usages diplomatiques entre chefs d’État, a immédiatement suscité des interrogations à Alger comme à l’étranger. L’absence des plus hauts responsables italiens traduit une dégradation perceptible du rang accordé à l’Algérie sur la scène européenne.

Ce choix protocolaire est d’autant plus significatif que, deux jours auparavant, la présidente Meloni avait personnellement reçu le président égyptien Abdel Fattah al-Sissi à l’occasion d’un forum sur la migration et la sécurité énergétique. Ce contraste souligne une hiérarchisation non dissimulée des partenaires méditerranéens par Rome — au détriment d’Alger.

À l’extérieur, l’image projetée par la présidence algérienne s’est également fissurée. Plusieurs dizaines d’Algériens de la diaspora ont manifesté à Rome contre la visite du chef de l’État, dénonçant un régime militaire et une absence de légitimité démocratique. Arborant des pancartes appelant à « un État civil, non militaire » et scandant que « Tebboune est un imposteur », les protestataires ont visé directement la figure présidentielle, assimilée à une façade civile pour un pouvoir exercé de facto par l’état-major.

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Ces manifestations rappellent les résidus encore vifs du mouvement Hirak, dont la répression en Algérie a accentué l’exil politique. Elles rappellent aussi que, malgré un verrouillage médiatique à l’intérieur du pays, la contestation continue de s’exprimer à l’international.

Officiellement, la visite visait à renforcer le partenariat énergétique entre Alger et Rome, déjà consolidé depuis la guerre en Ukraine. L’Italie est aujourd’hui le premier client européen du gaz algérien, avec des volumes passés de 21 à 25 milliards de m³ entre 2021 et 2023, selon les données d’ENI et de Sonatrach.

Mais cette relation commerciale ne s’est pas accompagnée de nouveaux engagements stratégiques. Aucun accord structurant sur la transition énergétique, la transformation industrielle ou l’innovation technologique n’a été annoncé. L’Algérie reste enfermée dans une logique rentière, où le gaz demeure l’unique levier d’influence externe, sans mise à niveau de sa diplomatie économique.

Le déplacement intervient dans un contexte où l’Italie a réaffirmé son soutien au plan marocain d’autonomie au Sahara, provoquant un décalage supplémentaire avec la position figée d’Alger. Contrairement au Maroc, engagé dans l’Initiative Atlantique et dans une diplomatie proactive tournée vers l’Afrique de l’Ouest, l’Algérie peine à articuler une vision géoéconomique claire.

Aucun élément dans le discours ou les échanges officiels n’a permis de situer cette visite dans une perspective africaine, arabe ou euro-méditerranéenne cohérente. Le déplacement s’apparente dès lors à un exercice de communication en vase clos, sans feuille de route, sans mécanisme de suivi, et sans résultats tangibles.

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