23 C
Casablanca
AccueilInfo AfriqueRéformer la finance mondiale : l’appel de la SADC pour l’Afrique

Réformer la finance mondiale : l’appel de la SADC pour l’Afrique

À l’heure où le continent africain fait face à une série de défis structurels exacerbés par le changement climatique, l’insuffisance des infrastructures et le poids de la dette, le président de la Communauté de développement de l’Afrique australe (SADC), Emmerson Mnangagwa, exhorte la communauté internationale à une refonte profonde de l’architecture financière mondiale. Lors de son intervention le 9 juin 2025, le dirigeant zimbabwéen a mis en lumière les déséquilibres systémiques qui pénalisent l’Afrique dans l’accès aux ressources financières internationales, tout en appelant à des instruments plus équitables, adaptés aux priorités du continent.

Le diagnostic posé est sans appel. L’Afrique a été exclue des décisions structurantes qui ont donné naissance au système de Bretton Woods à la fin de la Seconde Guerre mondiale. Les institutions qui en sont issues – notamment le Fonds monétaire international et la Banque mondiale – ne prennent toujours pas pleinement en compte les spécificités du continent, que ce soit en matière de développement, de gestion de la dette ou de financement climatique.

Les chiffres parlent d’eux-mêmes : l’Afrique ne reçoit que 30 milliards de dollars de financements annuels pour faire face aux effets du changement climatique, alors que ses besoins réels sont estimés à 277 milliards de dollars par an. Paradoxalement, les pays africains figurent parmi les plus exposés aux chocs climatiques, tout en étant les moins émetteurs de gaz à effet de serre.

Lire aussi : Le 1er Sommet africain sur l’hydrogène vert entame ses travaux au Cap

Outre les déséquilibres dans l’accès aux financements, les États africains sont également pénalisés par des systèmes de notation de crédit fondés sur des critères perçus comme biaisés. Une étude du Programme des Nations unies pour le développement (PNUD) estime que si les notations étaient ajustées de manière plus objective, les pays africains pourraient économiser jusqu’à 74,5 milliards de dollars. Ces fonds pourraient être réaffectés au remboursement de la dette et à l’investissement dans le capital humain ou les infrastructures.

La distorsion dans la perception du risque accentue le coût de l’endettement extérieur, enfermant de nombreux pays africains dans une spirale de refinancement à taux élevés, sans accès suffisant aux guichets concessionnels. Cette situation appelle à une réforme en profondeur des agences de notation et à une redéfinition des critères d’évaluation, tenant compte du potentiel réel de croissance et de résilience des économies africaines.

Vers une mobilisation accrue du capital privé

Face aux limites des finances publiques, le président de la SADC plaide pour une implication plus active du secteur privé dans le développement du continent. Le déficit d’investissement en Afrique est estimé entre 100 et 150 milliards de dollars par an. Selon la Banque africaine de développement (BAD), il faudrait mobiliser environ 402 milliards de dollars par an d’ici 2030 pour atteindre les objectifs de transformation structurelle. Cette enveloppe devrait permettre de combler les lacunes dans l’éducation, l’accès à l’énergie, la modernisation des infrastructures et l’amélioration de la productivité agricole et industrielle.

Cependant, la mobilisation du capital privé ne pourra se faire sans garanties adaptées, des cadres réglementaires stables, et des mécanismes de partage des risques. Cela suppose une action coordonnée entre gouvernements africains, partenaires multilatéraux et investisseurs pour créer un environnement de confiance et d’impact à long terme.

L’Afrique se trouve au cœur des paradoxes de la transition écologique mondiale. Bien que très peu responsable historiquement des émissions mondiales de CO₂, elle en subit les effets les plus dévastateurs : sécheresses prolongées, insécurité alimentaire, perte de biodiversité, stress hydrique. La réforme de la finance mondiale doit donc inclure un rééquilibrage du financement climatique, en tenant compte de la vulnérabilité des États africains et de leur droit au développement durable.

Articles récents