C’est dans les locaux de l’Administration de la Défense nationale, à Rabat que Rabat et Abidjan ont scellé vendredi 9 mai un accord stratégique dans le cadre de la défense. Le ministre délégué chargé de la Défense nationale, Abdellatif Loudiyi, et son homologue ivoirien, Téné Birahima Ouattara, frère cadet du président Alassane Ouattara et figure centrale du dispositif sécuritaire ivoirien, ont officialisé un accord de coopération militaire qui marque une nouvelle étape dans la densification des liens entre Rabat et Abidjan.
Si les relations économiques et politiques entre les deux pays sont solides depuis plusieurs années, notamment sous l’impulsion des visites royales en Afrique de l’Ouest, la dimension sécuritaire prend désormais une place prépondérante. Ce partenariat militaire formel, signé en présence de l’ambassadeur de Côte d’Ivoire au Maroc et d’une délégation de haut rang, va bien au-delà d’un simple échange de bonnes pratiques.
Selon le communiqué officiel, cet accord vise à structurer la coopération bilatérale autour de cinq axes majeurs : la formation des cadres militaires, le renforcement des capacités sanitaires des forces armées, l’assistance technique, l’éducation militaire spécialisée et l’échange d’expertises dans des domaines stratégiques. Une architecture qui répond à des enjeux bien identifiés : professionnalisation des troupes, anticipation des menaces transnationales et sécurisation des zones de transit stratégique.
Derrière cette dynamique, se dessine la vision portée par SM le roi Mohammed VI d’ériger l’Afrique atlantique en espace intégré, sécurisé et prospère. « Une façade maritime qui ne saurait rester à la périphérie des enjeux mondiaux », a rappelé Abdellatif Loudiyi, en référence à l’Initiative royale pour l’Atlantique lancée en 2023. Cette initiative entend offrir une ouverture maritime aux pays sahéliens, à l’heure où la région est sous pression face à la résurgence des groupes armés terroristes et à la recomposition des alliances sécuritaires sur le continent.
Pour la Côte d’Ivoire, acteur clé de la Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO), cet accord représente un levier stratégique. « La coopération militaire avec le Maroc nous permettra de renforcer la formation, l’équipement et la technicité de nos forces, dans un contexte régional marqué par l’instabilité sahélienne et les défis sécuritaires croissants », a déclaré Téné Birahima Ouattara, saluant le rôle moteur du Maroc dans la consolidation de la coopération Sud-Sud.
Au-delà des discours, Rabat et Abidjan affichent une volonté politique claire : faire de ce partenariat un modèle africain d’intégration sécuritaire. La Côte d’Ivoire, qui a été frappée par des attaques terroristes sur son sol en 2016 et reste en première ligne face à l’expansion djihadiste venue du Sahel, voit dans le savoir-faire militaire marocain une valeur ajoutée stratégique. Le Maroc, pour sa part, renforce son positionnement comme puissance stabilisatrice en Afrique de l’Ouest, après avoir déjà conclu des accords de défense avec plusieurs autres pays du continent.
Les deux parties se sont engagées à activer sans délai les mécanismes de mise en œuvre de l’accord, à travers des programmes conjoints et des échanges de haut niveau. Une montée en puissance discrète, mais révélatrice des ambitions de Rabat et d’Abidjan de peser davantage dans l’architecture de sécurité africaine.
Alors que les équilibres géopolitiques se recomposent en Afrique, le partenariat maroco-ivoirien s’installe ainsi comme l’une des pièces maîtresses d’un échiquier où se jouent à la fois la stabilité régionale, la coopération militaire et l’intégration économique de l’Afrique atlantique.