Par Taoufiq Boudchiche, Economiste
La langue française est fêtée pendant cette semaine du 20 mars, notamment, à travers les différentes institutions représentatives de la francophonie et il y en a une panoplie telle que l’Organisation Internationale de la Francophonie (OIF), l’Agence Universitaire de la Francophonie (AUF), l’Association Internationale des Maires Francophones (AIMF), L’Association parlementaire francophone…. Il y a aussi des organisations sportives telles que les jeux de la francophonie et autres instances artistiques, culturelles, qu’il serait trop long de citer ici.
Selon les promoteurs de cette fête linguistique, il s’agit de reconnaître chaque année à la même période, les vertus de langue française censée incarnée des valeurs d’universalité, de liberté, de droits de l’homme, de respect de la diversité… Pour les sceptiques, cette fête est une manifestation des zestes du colonialisme français. Selon ces derniers, la France a été chassée par la grande porte, voilà qu’elle cherche à revenir par la fenêtre à travers « la langue et la culture ». Ce débat a accompagné la francophonie depuis La création de l’Agence de Coopération Culturelle et Technique en 1970, (ACCT) à Niamey au Niger. Un débat qui avait également habité le monde de la culture des pays anciennement colonisés par la France comme l’attestent les nombreuses controverses qu’a suscitée la littérature africaine de langue française. Certains sont allés jusqu’à abandonner la langue française, ce « butin de guerre », selon la célèbre formule de Kateb Yacine, écrivain algérien. D’autres la considèrent comme un butin de guerre qui unit.
Au niveau de la francophonie institutionnelle, ces controverses se sont progressivement dissipées notamment face à son travail remarquable de l’ACCT dès les années 1970 en matière de formation, d’échanges, d’expertises et de création d’un espace de coopération Nord-Sud et Sud-Sud qui a fait les beaux jours de la Francophonie depuis cette date. Dotée d’un statut d’organisation intergouvernementale regroupant au départ 21 pays membres, l’ACCT a poursuivi une évolution progressive. En 1997, il y eu la création de l’Agence Internationale de la Francophonie en nommant un poids lourd de la diplomatie, l’Egyptien, Feu Boutros-Boutros Ghali, Secrétaire Général immédiatement après sa fin de sa mission de Secrétaire Général à l’ONU. La Francophonie a entretemps intégré en effet de nouveaux membres et élargi ses missions à des dimensions plus politiques et plus globales, telles que l’observation des élections, les droits de l’homme, le développement durable. En 2005, nouvelle évolution avec la création de l’Organisation Internationale de la Francophonie.
Elle compte aujourd’hui plus de 54 pays membres et près de 34 autres pays entre les pays associés et les pays observateurs. L’ensemble forme un regroupement de 88 pays. Malgré un poids politique modeste, voire discret, l’OIF s’avère néanmoins utile aux pays membres dans un monde globalisé et où les enjeux de la mondialisation exigent des regroupements régionaux et certaines formes de solidarité politique, économique, culturelle. Le statut de la langue française dans les pays intégrés ou en voie d’intégration semble peser de moins en moins dans la balance pour en faire partie. Par exemple, des pays comme le Qatar et les Emirats Arabes Unis sont membres associés. L’Arabie Saoudite a également présenté sa candidature qui est à l’étude.
Le Maroc est un pays membre à part entière des institutions francophones depuis 1981. Une insertion qui a notamment permis plus tard en 1984 de faire contrepoids à sa sortie à l’époque de l’OUA avant un retour remarqué au sein de l’Union Africaine le 30 janvier 2017. La plupart des pays africains amis du Maroc étaient alors membres de la francophonie institutionnelle ce qui avait permis la poursuite dans ce cadre d’une coopération multilatérale francophone en dehors de l’OUA.
Dans le site officiel de l’OIF, il est noté les données suivantes concernant le Maroc : Langue officielle l’Arabe ; Statut de la langue française : langue étrangère, nombre de locuteurs : 13, 6 millions (soit 36 % de la population) ; Statut à l’OIF : pays membre. La francophonie est un atout facilitateur pour le Maroc dans ses relations au sein du continent notamment auprès de la jeunesse africaine dont il est reconnu qu’elle représente l’avenir de la francophonie dans le monde. D’après l’Organisation Internationale de la Francophonie (OIF), le nombre de francophones dans le monde en 2022 était estimé à 321 millions, soit 21 millions de plus qu’en 2018, faisant du français la cinquième langue la plus parlée après l’anglais, le chinois, l’hindi et l’espagnol. En Afrique Subsaharienne et dans l’Océan Indien, le nombre de locuteurs quotidiens du français a augmenté de près de 15% entre 2018 et 2022. Et, en comptant le Maghreb, l’Afrique francophone représente à elle seule plus de la moitié des locuteurs de la langue française.
Le Maroc participe régulièrement au Sommet de la Francophonie qui se tient tous les deux ans. Le dernier Sommet s’est tenu en 2022 à Djerba en Tunisie et le prochain est prévu cette année en 2024, en France. Alors que la Constitution de 2011 a consacré la langue arabe et la langue amazighe comme langues officielles, Il est regrettable de n’avoir pas conféré un statut aux autres langues internationales pratiquées au Maroc, notamment, le français, l’espagnol et de plus en plus l’anglais.
Dans certains pays où coexistent plusieurs langues patrimoniales, la solution juridique a été trouvée en instaurant plusieurs statuts aux langues pratiquées. Il est par exemple distingué les langues officielles, les langues nationales, les langues vernaculaires, les langues de travail. Peut-être, serais-ce un sujet de réflexion quant à l’avenir linguistique du Maroc ? Dans notre pays, la diversité linguistique est plébiscitée et reconnue à l’échelle nationale et internationale comme facteur de richesse culturelle, d’inclusivité, d’ouverture, voire de compétitivité de notre pays dans un monde globalisé. Cependant, de profondes ambiguïtés demeurent quant à leurs pratiques au niveau national en raison de l’absence d’un cadre juridique adéquat qui reflète la réalité quotidienne des marocains jusqu’à l’écriture de ces lignes en langue française.