Sous les ors de l’Assemblée nationale mauritanienne, à Nouakchott, une nouvelle dynamique économique a discrètement pris corps ce vendredi 9 mai. Le premier Forum économique parlementaire maroco-mauritanien y a été solennellement lancé par les présidents des deux Chambres, Rachid Talbi Alami pour le Maroc, et Mohamed Bamba Meguett pour la Mauritanie.
Fruit d’un accord signé en juillet 2022 entre les deux parlements, ce Forum ne se limite pas à une simple tribune protocolaire. Il revendique une ambition stratégique : transformer les échanges politiques en leviers concrets pour le développement économique durable. Car au-delà des discours, c’est bien à une convergence d’intérêts structurels que les deux capitales veulent désormais œuvrer, en mobilisant les parlementaires comme force d’entraînement législatif au service des investisseurs, des opérateurs économiques et des territoires.
La séance inaugurale, rehaussée par la présence de plusieurs membres des gouvernements des deux pays, a donné le ton. Le Maroc était représenté par Ahmed El Bouari, ministre de l’Agriculture, et Omar Hejira, secrétaire d’État chargé du Commerce extérieur. Face à eux, une délégation gouvernementale mauritanienne de haut niveau, emmenée par les ministres Memma Beibatta (Agriculture et Souveraineté alimentaire), Codioro Moussa N’Guénoré (Budget), El Houssein Ould Meddou (Culture et Communication) et El Fadhil Ould Sidaty (Pêche et Infrastructures maritimes), a témoigné de l’intérêt accordé à cette initiative.
Des responsables parlementaires, des chefs d’entreprises, des experts économiques et des membres de la société civile des deux pays ont également pris part à cette première édition, illustrant la volonté d’installer une dynamique multipartite et inclusive. L’ambassadeur du Maroc à Nouakchott, Hamid Chabar, figure clé du rapprochement entre Rabat et Nouakchott, était également présent.
Une plateforme pour soutenir les projets structurants
L’objectif affiché est clair : faire de ce Forum une plateforme permanente de dialogue, de coordination et de mobilisation des leviers politiques au service des investissements et du développement conjoint. Les secteurs stratégiques ciblés ne laissent aucun doute sur l’importance économique de ce partenariat : la pêche, l’agriculture, les infrastructures, la formation professionnelle, les énergies renouvelables, mais aussi la santé animale et la sécurité alimentaire.
L’un des axes majeurs de cette coopération repose sur l’échange d’expertise et l’harmonisation des cadres législatifs. À cet égard, les deux parties envisagent d’inscrire leurs travaux dans une dynamique plus large de coopération triangulaire, en associant d’autres partenaires africains ou internationaux, dans un esprit de complémentarité et d’ouverture.
Le caractère alterné des sessions du Forum – tantôt à Rabat, tantôt à Nouakchott – s’inscrit dans cette volonté d’enraciner la coopération dans la durée, en créant une mécanique régulière de concertation politique et économique. L’idée est d’éviter l’effet d’annonce sans lendemain, en s’assurant que les conclusions de chaque session puissent déboucher sur des recommandations concrètes et des engagements de suivi.
Dans son discours, le président de l’Assemblée nationale mauritanienne, Mohamed Bamba Meguett, a d’ailleurs insisté sur la nécessité de dépasser les intentions pour bâtir une coopération « efficace, pragmatique et orientée vers les résultats ». Il a appelé à ce que les parlementaires s’emparent pleinement de cette plateforme pour porter des réformes ambitieuses, faciliter l’investissement et accompagner les projets à haute valeur ajoutée pour les deux économies.
La matrice d’un avenir commun
Meguett a également rappelé la profondeur historique et culturelle des liens entre la Mauritanie et le Maroc, évoquant un « héritage commun » qui, selon lui, doit inspirer une relation renouvelée, fondée sur la solidarité et le développement partagé. Une vision qui fait écho à la diplomatie marocaine, qui voit en Nouakchott un partenaire clé dans sa stratégie africaine, à l’heure où le Royaume multiplie les initiatives en direction du continent.
Si les enjeux économiques dominent l’agenda du Forum, la dimension géopolitique n’est pas absente. Le rapprochement parlementaire entre Rabat et Nouakchott intervient dans un contexte sous-régional marqué par des rivalités, notamment autour des routes commerciales et des alliances stratégiques. En s’unissant autour de priorités économiques partagées, les deux capitales envoient un message clair : celui d’une volonté commune de stabiliser leur environnement et de peser davantage dans les recompositions en cours en Afrique de l’Ouest et au Maghreb.
Le succès de cette première édition sera jugé à l’aune des réalisations concrètes qu’elle permettra d’engendrer. Déjà, les regards se tournent vers la prochaine session, qui devrait se tenir à Rabat. Ce sera l’occasion de vérifier si cette nouvelle architecture de coopération parlementaire saura tenir ses promesses et devenir l’un des moteurs du partenariat stratégique entre le Maroc et la Mauritanie.