La crise entre la Confédération des États du Sahel (AES) et l’Algérie entre dans une phase critique. Le Collège des Chefs d’État de l’AES a condamné avec la plus grande fermeté, ce samedi 6 avril, la destruction d’un drone des Forces Armées et de Sécurité du Mali par l’armée algérienne, survenue dans la nuit du 31 mars au 1er avril 2025 à Tin-Zaouatène, dans le cercle d’Abeibara, région de Kidal. L’acte, qualifié d’« hostilité manifeste » par les autorités de l’alliance sahélienne, fait désormais figure de point de non-retour dans les relations déjà dégradées entre les deux entités.
Le drone, immatriculé TZ-98D, opérait dans un espace que l’AES considère comme relevant de sa souveraineté opérationnelle, conformément à la décision prise le 22 décembre 2024 de faire de l’ensemble de l’espace confédéral un théâtre unique d’opérations militaires. La Confédération, regroupant le Mali, le Burkina Faso et le Niger, voit dans cette attaque un acte d’agression dirigé non seulement contre un de ses États membres, mais contre toute son architecture sécuritaire et politique.
Derrière le langage diplomatique, c’est une accusation grave qui se dessine : l’Algérie est pointée du doigt non seulement pour une atteinte directe à la souveraineté du Mali, mais aussi pour une attitude jugée délibérément déstabilisatrice. Le Collège des Chefs d’État dénonce une tentative perfide de saboter les efforts communs de lutte contre le terrorisme. Plus encore, les conclusions de l’enquête en cours révèlent que l’opération visait à neutraliser un groupe terroriste en préparation d’attentats contre les pays de l’AES – une mission rendue impossible par la destruction du drone.
Ce n’est pas la première friction entre l’AES et Alger. Depuis le retrait des pays sahéliens de la CEDEAO et leur regroupement dans une confédération souverainiste, les relations avec l’Algérie, qui s’était posée en médiateur régional sous l’égide des accords d’Alger, n’ont cessé de se dégrader. L’acte militaire du 1er avril cristallise cette fracture désormais ouverte, que les autorités de l’AES n’hésitent plus à qualifier d’agression « préméditée » et contraire au droit international.
Le rappel immédiat pour consultations des ambassadeurs des États membres accrédités en Algérie, décidé par le Collège des Chefs d’État, marque une escalade diplomatique sans précédent. La rupture semble consommée avec le voisin du nord, accusé de soutenir, directement ou indirectement, des acteurs visant à entraver la stabilité de la zone sahélienne.
« La lutte contre le terrorisme est une lutte existentielle pour l’AES », a martelé le Collège dans un ton grave, exigeant du régime algérien une rupture avec ses positions ambivalentes et l’adoption d’une posture constructive. Mais la méfiance est profonde. Pour les autorités de l’alliance, Alger est désormais perçue comme un facteur d’instabilité, en opposition aux efforts d’autonomisation stratégique du Sahel.
Tout en condamnant l’acte « irresponsable » du régime algérien, le Collège des Chefs d’État a tenu à rassurer les populations des États membres : les Forces de défense et de sécurité restent pleinement mobilisées pour assurer la sécurité des citoyens et défendre l’intégrité de l’espace confédéral.
Le communiqué, signé par le Général d’Armée Assimi Goïta, président de la Transition du Mali et président en exercice de la Confédération, scelle un tournant. L’incident de Tin-Zaouatène vient donner corps à une crise géopolitique désormais ouverte entre l’AES et l’Algérie, sur fond de redéfinition des équilibres régionaux et de lutte contre les influences extérieures jugées hostiles. La rupture semble actée. Reste à savoir jusqu’où cette confrontation, désormais ouverte, s’étendra.