À Meknès, chaque printemps, une ville marocaine se transforme en épicentre du dialogue agricole continental. Depuis 2006, le Salon International de l’Agriculture au Maroc (SIAM) s’y impose comme l’un des plus grands rendez-vous du secteur en Afrique. Avec près d’un million de visiteurs annuels et des centaines d’exposants venus des quatre coins du monde, cet événement dépasse largement le cadre d’une simple foire professionnelle : il est devenu, au fil des éditions, un véritable levier de diplomatie agricole et une vitrine vivante du partenariat entre le Maroc et ses homologues africains.
Dès ses premières éditions, le SIAM s’est affirmé comme un catalyseur de la coopération Sud-Sud. Il offre à Rabat une scène pour mettre en lumière ses avancées en matière d’agriculture durable et de développement rural, mais aussi pour partager son savoir-faire avec des pays frères du continent. Les Assises de l’Agriculture, organisées en prélude au Salon, accueillent chaque année des délégations africaines de haut niveau – ministres, experts, agriculteurs, et parfois même chefs d’État – venus enrichir les débats, échanger leurs expériences et conclure des accords bilatéraux.
L’édition 2017 illustre à elle seule la portée stratégique du SIAM. Cette année-là, Alpha Condé, alors président de la Guinée et président en exercice de l’Union africaine, était l’invité d’honneur des Assises. À ses côtés, Ibrahim Boubacar Keïta, président du Mali, marquait également sa présence, soulignant la centralité croissante du Salon dans les dynamiques agricoles continentales. Cette rencontre fut notamment l’occasion d’annoncer un partenariat entre le Maroc et la Guinée autour de la fourniture de 100 000 tonnes d’engrais par le Groupe OCP, leader du secteur.
Ce rôle de carrefour stratégique n’est pas nouveau. Déjà en 2014, en marge du SIAM, un accord majeur fut signé entre Rabat et Bamako pour le développement de 10 000 hectares de terres agricoles au Mali. Présents en personne, les chefs d’État des deux pays avaient apposé leurs signatures sur ce projet structurant, confirmant que le Salon constituait bien plus qu’un simple espace d’exposition : un moteur concret de coopération.
Un incubateur panafricain de savoirs et d’innovations
Le SIAM ne se contente pas de réunir des décideurs ; il agit aussi comme un incubateur de savoirs. Conférences, panels et ateliers se succèdent, explorant des thématiques cruciales pour le continent : gestion durable de l’eau en zones arides, inclusion des petits exploitants dans les chaînes de valeur, innovations technologiques adaptées aux réalités locales, entre autres. En 2019, la jeunesse rurale africaine et l’entrepreneuriat agricole étaient à l’honneur. Des porteurs de projets venus du Nigeria, du Ghana ou encore du Kenya ont partagé leurs trajectoires, inspirant de nouvelles vocations.
L’ancrage panafricain du SIAM s’est encore renforcé en 2023, avec l’organisation de la 3ᵉ Conférence ministérielle annuelle de l’Initiative pour l’Adaptation de l’Agriculture Africaine au Changement Climatique (Initiative AAA). Réunis à Meknès, les ministres de l’Agriculture de tout le continent ont planché sur des priorités communes pour faire face aux défis climatiques. Choisir le Maroc pour un tel sommet ne relève pas du hasard : cela traduit la reconnaissance de son rôle de leader dans la promotion d’une agriculture africaine résiliente.
Dans les travées du Salon, se côtoient multinationales et coopératives locales, bailleurs de fonds et jeunes innovateurs. Des stands entiers sont consacrés aux actions de la Fondation OCP ou de l’Agence Marocaine de Coopération Internationale (AMCI), mettant en lumière des projets pilotes menés au Bénin, au Soudan ou ailleurs. On y découvre des systèmes d’irrigation de précision, des modèles de fermes-écoles, des formations horticoles ciblées : autant de graines semées pour une transformation durable des systèmes agricoles africains.
Une diplomatie verte en action au cœur du continent
Le SIAM incarne ainsi une forme de diplomatie agricole où le Maroc se positionne en partenaire solidaire, plutôt qu’en donneur de leçons. On y entend résonner les langues du continent – français, arabe, wolof, swahili – mais surtout l’ambition partagée d’un avenir agricole commun. Cette stratégie d’influence douce, patiemment cultivée, porte aujourd’hui ses fruits. En tissant des liens de confiance et en partageant son expertise, le Royaume renforce sa présence sur le continent, dans une logique d’intégration respectueuse et mutuellement bénéfique.
Face aux défis systémiques que sont la sécurité alimentaire, les bouleversements climatiques ou encore la pauvreté rurale, le Maroc mise sur la solidarité agraire comme levier d’unité continentale. Une vision humaniste et pragmatique, qui nourrit l’espoir d’une Afrique plus résiliente, unie autour d’une agriculture inclusive, durable et souveraine.
Ainsi, de Meknès à Cotonou, de Rabat à Dakar, le sillon tracé par le SIAM révèle bien plus qu’un salon professionnel : il dessine les contours d’une diplomatie verte à l’africaine, où la coopération l’emporte sur la compétition – et où chaque récolte devient le fruit d’un effort partagé.
Une édition 2025 sous le signe de l’eau
Cette grand-messe annuelle du monde agricole, désormais inscrite comme un rendez-vous incontournable à l’échelle continentale, se tient cette année sous le thème évocateur : « Agriculture et monde rural : l’eau au cœur du développement durable ». Dans un contexte de plus en plus alarmant marqué par un stress hydrique aigu, cette édition ambitionne de mobiliser l’intelligence collective autour d’une ressource devenue aussi rare que précieuse.
Au-delà des visiteurs attendus, le SIAM réaffirme son statut de principal carrefour agroalimentaire d’Afrique. Mais au-delà de l’envergure logistique et du rayonnement international de l’événement, c’est surtout l’urgence climatique qui dicte l’agenda de cette édition 2025. Le Maroc fait face à une situation hydrique critique, conséquence directe de plusieurs années de sécheresse successives ayant durablement entamé ses réserves stratégiques en eau.
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L’eau, défi central pour la souveraineté alimentaire
Face à ce défi existentiel, le SIAM 2025 s’annonce comme une plateforme de réflexion stratégique. Comment assurer une productivité agricole soutenue dans un environnement aux ressources limitées ? Quelles solutions techniques et politiques peuvent permettre de concilier performance économique et préservation des ressources hydriques ? Et surtout, comment bâtir un modèle agricole résilient, capable de garantir la sécurité alimentaire d’une population en croissance constante ?
Autant de problématiques que les panels thématiques, conférences de haut niveau et rencontres professionnelles s’efforceront d’examiner avec rigueur. Des experts internationaux, chercheurs, institutionnels, agriculteurs innovants et acteurs privés se réuniront pour esquisser des réponses opérationnelles, adaptées aux réalités du terrain. L’irrigation de précision, la valorisation des eaux usées traitées, la sélection variétale adaptée à l’aridité, ou encore les incitations à une gestion rationnelle de l’eau, figureront parmi les solutions mises en débat.