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Le Monde, la garde prétorienne d’une relique coloniale

On croyait la Françafrique morte, enterrée, et ses reliques soigneusement rangées dans les réserves poussiéreuses de l’histoire. Mais voilà que Le Monde, journal naguère présenté comme le parangon de la presse « sérieuse », se découvre une mission archéologique : exhumer des fantômes coloniaux pour expliquer, doctement, aux Africains eux-mêmes ce qu’il en est de leurs dirigeants, de leurs sociétés, et même de leurs avenirs. Un geste empreint d’une nostalgie maladive, rappelant ces anciens administrateurs coloniaux convaincus qu’aucune vérité n’existe sans leur sceau d’authenticité.

Dans une série estivale consacrée à Mohammed VI, Le Monde s’est cru autorisé à livrer une « enquête » sur les coulisses d’un palais marocain. Le procédé est connu : des sources anonymes, des anecdotes invérifiables, un ton sentencieux… et la conviction inébranlable que Paris sait mieux que Rabat ce qui se trame dans la tête du souverain marocain. Quelle superbe posture que celle du professeur distribuant des notes, corrigeant des copies d’histoire africaine, persuadé que l’élève reste indéfiniment en retard de civilisation.

Ce qui frappe dans ces papiers, ce n’est pas l’information — maigre, répétitive et souvent issue de conversations de salon — mais la posture : un catéchisme colonial recyclé, où l’Afrique reste décrite comme une énigme impénétrable que seul l’œil occidental peut dévoiler. Comme si le continent n’avait ni sa presse, ni ses intellectuels, ni ses citoyens capables d’analyser leur propre réalité. À lire Le Monde, on croirait que la vérité politique est déposée rue des Italiens, dans quelque salle de rédaction persuadée d’être la Sorbonne de l’Afrique contemporaine.

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Pourtant, le plus ironique dans l’affaire tient dans le miroir que tend Le Monde à lui-même. Obsédé par la fin supposée d’un règne, le quotidien ne voit pas la fin de sa propre influence. Jadis journal de référence, il s’est mué en chroniqueur post-colonial, répétant sans créativité des narratifs usés. À force de vouloir disséquer les « secrets des palais », il finit par révéler ses propres angoisses : celles d’une France qui ne comprend plus un monde où ses certitudes vacillent, où les capitales africaines dialoguent avec Pékin, Washington, Rabat ou Riyad sans demander la permission à Paris.

Le monde que Le Monde ignore

Car, pendant que les journalistes s’enlisent dans leurs caricatures orientalistes, le Maroc, comme d’autres nations africaines, tisse des partenariats multilatéraux, développe son industrie, investit dans les énergies renouvelables et se projette vers l’Atlantique et au-delà. La réalité du nouveau monde, c’est celle-là : des pays qui se redéfinissent hors de la tutelle coloniale, qui construisent leurs propres trajectoires stratégiques. Une dynamique que Le Monde semble incapable d’appréhender, prisonnier de son lexique du passé.

On en rirait si ce n’était si pathétique. Imaginer Le Monde en garde prétorienne d’une relique coloniale, c’est visualiser une rédaction revêtue de toges romaines, gardant jalousement l’entrée d’un empire disparu, mais continuant de proclamer : « Nous savons, nous seuls pouvons dire la vérité sur vos rois ! » Pendant ce temps, les peuples, eux, avancent, inventent, et tournent la page d’une histoire que le journal, lui, se refuse à refermer.

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