Sous le ciel lumineux d’un printemps africain, dans l’air vibrant et chargé de promesses de Marrakech, le message Royal a résonné comme un électrochoc. Non pas un simple discours formel, ni un vœu pieux adressé aux hôtes du Forum Ibrahim Governance Weekend 2025, mais une parole souveraine, ferme et lucide. Une parole qui a le poids des vérités longtemps tues et l’élan des espérances inassouvies. Un cri, porté haut et fort, qui traverse les frontières et les silences : l’Afrique ne peut plus se contenter d’attendre. L’Afrique ne peut plus quémander. L’Afrique doit oser l’avenir.
Car ce n’est pas un simple message que Sa Majesté le Roi Mohammed VI a livré, par la voix de son Conseiller, M. André Azoulay. C’est un manifeste, un appel au sursaut, un testament politique pour un continent debout, maître de son destin, riche de ses ressources et fier de sa souveraineté. Le constat est implacable, et il faut le dire sans fard : Notre continent est riche, mais il s’appauvrit. L’Afrique regorge de 40 % des réserves mondiales de matières premières, détient 30 % des minéraux critiques, possède des terres fertiles, des fleuves puissants, des côtes immenses, des talents inépuisables.
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Et pourtant, elle reste prisonnière d’un modèle de dépendance, d’assistance et de fragmentation. Elle exporte ce qu’elle a, brut et à bas prix — diamants, cobalt, lithium, gaz — et importe, à prix d’or, ce qu’elle devrait produire elle-même — batteries, ordinateurs, téléphones. Elle regarde partir ses enfants, ces talents exilés vers d’autres cieux, pendant que ses rêves se diluent dans des projets sous-financés et des plans inachevés. Elle contemple, impuissante, le train de la révolution industrielle, technologique, verte et numérique filer sous ses yeux, alors qu’elle reste sur le quai, encore et toujours en retard.
Mais le message Royal n’est pas un lamento. C’est un cri de rupture, une invitation à l’action, une boussole pour l’avenir. « L’Afrique ne peut pas compter uniquement sur l’aide publique au développement. » a martelé le Souverain. Cette aide, trop souvent, a été un mirage, un puits sans fond qui enferme au lieu de libérer. Les financements extérieurs, générateurs de dettes, ont trop souvent été une camisole, et non un levier. Et pendant que les taux d’intérêt étranglent nos économies, pendant que les règles du jeu financier international nous excluent des tables de décision, l’Afrique se doit de reprendre la main.
Le message Royal trace ainsi les lignes d’une ambition continentale, claire et cohérente : mobiliser nos propres ressources, investir dans nos talents, transformer nos matières premières sur notre sol, construire des chaînes de valeur régionales, accélérer l’intégration économique, créer des emplois, faire émerger une classe moyenne, et surtout revendiquer haut et fort notre place dans l’architecture financière mondiale. Ainsi Sa Majesté le Roi ne s’est pas contenté d’un réquisitoire : il a dessiné une stratégie. Quatre lignes de force pour un développement inclusif et durable.
D’abord, repenser nos modèles de financement, en valorisant l’épargne domestique, les investissements de la diaspora, les mécanismes innovants et les partenariats solides. Ensuite, réformer nos institutions, assainir nos systèmes de gouvernance, restaurer la confiance et l’état de droit. Troisièmement, briser les murs des frontières, faire circuler les biens, les idées, les capitaux et les talents : intégrer, commercer, coopérer. Et enfin, transformer nos richesses naturelles ici, chez nous, en Afrique, pour que chaque minerai, chaque goutte de pétrole, chaque graine cultivée devienne source de valeur ajoutée, d’emplois et de prospérité.
Mais ce message n’est pas un simple plan d’action. C’est aussi un appel au monde. Pas une supplique, mais une interpellation ferme : l’Afrique ne peut plus être un simple récepteur passif des décisions des autres. Elle doit être co-auteur des règles du jeu économique mondial. Elle doit peser dans les instances internationales, obtenir des financements à des conditions justes, réduire le coût des transferts de sa diaspora, accéder aux crédits concessionnels, et bâtir, enfin, une architecture financière mondiale plus équitable.
Et parce que les mots, seuls, ne suffisent pas, le Maroc montre la voie par l’exemple : le Gazoduc Atlantique, l’Initiative Atlantique, le Fonds Mohammed VI pour l’Investissement, Casablanca Finance City, les projets dans les énergies renouvelables, l’agriculture durable, les infrastructures stratégiques… autant de preuves concrètes qu’un autre modèle est possible. Un modèle qui part d’Afrique, pour l’Afrique.
Alors, osons le dire : ce message de Marrakech n’est pas seulement un discours, c’est un cri. Le cri d’une Afrique qui refuse la fatalité. Le cri d’un continent qui en a assez d’attendre. Le cri d’une génération qui veut, enfin, voir l’Afrique se lever, se tenir debout, et avancer fièrement vers son destin.
Il nous appartient, à nous, femmes et hommes d’Afrique, de répondre à cet appel. Pas demain, pas dans dix ans mais maintenant, car le temps de l’Afrique, ce n’est pas un futur hypothétique : c’est aujourd’hui. Et ce temps ne s’offre pas, il se conquiert.
Marrakech a parlé. À l’Afrique d’agir.