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L’AES et CEDEAO amorcent une dynamique de réconciliation progressive

Lors d’une rencontre tenue hier entre les ministres des Affaires étrangères des pays de l’AES et le président de la Commission de la CEDEAO, les deux parties ont décidé d’amorcer une dynamique de réconciliation progressive. Cette réunion marque le début d’un dialogue en vue de négocier une sortie organisée de l’AES de la communauté ouest-africaine.

Cette rencontre du 22 mai, présentée comme une « consultation préparatoire », jette les bases d’un processus de négociation structuré entre les deux entités. Elle s’inscrit dans la volonté de baliser les contours juridiques, politiques et sécuritaires d’un divorce qui, s’il reste consommé dans les faits, pourrait s’opérer sans heurts irréversibles. Le communiqué conjoint diffusé à l’issue de cette réunion témoigne d’une inflexion dans le ton, désormais plus conciliant et orienté vers la préservation des intérêts communs.

Les discussions ont débouché sur l’adoption d’un relevé de conclusions, document de cadrage qui amorce le lancement formel des négociations. Ce texte aborde les implications concrètes du retrait de l’AES, notamment en ce qui concerne les arrangements diplomatiques, les engagements administratifs en cours, les mécanismes institutionnels hérités de la CEDEAO, ainsi que les questions cruciales de coopération sécuritaire et de développement socioéconomique.

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Au cœur des échanges, la volonté affirmée de part et d’autre de ne pas jeter les fondements de l’intégration régionale aux oubliettes. Les représentants des deux blocs ont souligné l’importance de sauvegarder certains acquis essentiels, notamment la libre circulation des personnes et des biens, pilier fondamental de l’espace communautaire ouest-africain. Si le retrait de l’AES constitue une rupture politique et institutionnelle, il n’est pas, du moins à ce stade, une volonté de repli absolu sur soi ou de déliaison économique brutale.

Ce positionnement reflète une prise de conscience partagée : au-delà des divergences politiques, les populations des deux rives – sahélienne et côtière – restent liées par des dynamiques migratoires, commerciales et sécuritaires qui transcendent les périmètres diplomatiques.

Un front commun contre l’insécurité

Parmi les préoccupations majeures figurant à l’agenda de cette rencontre, la dégradation continue de la situation sécuritaire dans la région sahélienne et ses répercussions sur l’ensemble de l’Afrique de l’Ouest. La lutte contre le terrorisme, qui fut pourtant l’un des motifs de discorde entre les deux ensembles, apparaît désormais comme une responsabilité partagée, nécessitant des formes de coopération innovantes et résilientes.

Les deux parties se sont accordées sur l’urgence de créer les conditions d’une collaboration efficace, sans que celle-ci ne soit conditionnée à une adhésion formelle ou à une uniformité institutionnelle. Ce pragmatisme sécuritaire, s’il est maintenu, pourrait ouvrir la voie à des partenariats flexibles, adaptés à la diversité des trajectoires politiques en Afrique de l’Ouest.

Fait notable : le ton du communiqué fait écho à une volonté manifeste d’apaisement. Les termes employés – « fraternité », « responsabilité », « intérêt supérieur des populations » – tranchent avec la rhétorique virulente qui a caractérisé les mois de tension. Cette atmosphère plus sereine semble indiquer que, malgré les fractures, les dirigeants sahéliens et ouest-africains restent guidés par une forme de sagesse politique dans un contexte régional instable.

La réunion de Bamako ne scelle pas une réconciliation, ni même un compromis final. Mais elle ouvre un canal de dialogue formel, fondé sur une reconnaissance mutuelle des intérêts stratégiques et sur la nécessité d’éviter une implosion aux conséquences sociales et économiques imprévisibles.

Le processus de retrait de l’AES de la CEDEAO s’annonce complexe. Il touche à l’architecture institutionnelle ouest-africaine et soulève de nombreuses questions : quelle place pour les ressortissants de l’AES dans les structures de la CEDEAO ? Quelles implications sur les accords commerciaux ? Comment organiser la coopération sécuritaire transfrontalière en l’absence d’un cadre unique ? Ces enjeux seront au cœur des prochaines étapes du dialogue.

En attendant, la réunion de Bamako marque un tournant : celui d’un affrontement qui cède progressivement la place à une négociation. Une négociation encore fragile, mais qui pourrait, si elle est menée avec tact et vision, redéfinir durablement les équilibres géopolitiques de l’Afrique de l’Ouest.

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