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Héritage colonial : la Côte d’Ivoire rebat les cartes de sa toponymie

La Côte d’Ivoire opère un virage symbolique majeur. À Abidjan, plusieurs boulevards et artères emblématiques ont été débaptisés pour rompre avec l’héritage colonial et...
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Héritage colonial : la Côte d’Ivoire rebat les cartes de sa toponymie

La Côte d’Ivoire opère un virage symbolique majeur. À Abidjan, plusieurs boulevards et artères emblématiques ont été débaptisés pour rompre avec l’héritage colonial et inscrire dans le paysage urbain les figures fondatrices de la mémoire nationale. Une initiative qui s’inscrit dans un mouvement continental plus large, où la reconquête des noms devient une arme politique au service de la souveraineté culturelle.

Depuis mars 2025, la capitale économique ivoirienne voit disparaître les derniers vestiges toponymiques de la période coloniale. Le boulevard Valéry-Giscard-d’Estaing porte désormais le nom de Félix Houphouët-Boigny, père de l’indépendance et premier président du pays. Le boulevard de France devient celui de Marie-Thérèse Houphouët-Boigny, première dame influente du jeune État ivoirien. Quant au boulevard de Marseille, il rend à présent hommage à Philippe Grégoire Yacé, figure parlementaire majeure de l’histoire postcoloniale. Autant de choix qui ne relèvent pas du hasard : ils traduisent la volonté du gouvernement d’aligner les marqueurs symboliques de l’espace public sur une narration souveraine de l’histoire.

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Ce geste fort, qui s’inscrit dans le projet plus large d’adressage du district d’Abidjan, amorcé en 2023, dépasse la simple opération de mise en ordre urbanistique. Il vise à ancrer dans la trame urbaine une mémoire ivoirienne propre, affranchie des tutelles coloniales. Sur les quelque 14 000 rues recensées dans la capitale, plusieurs ont ainsi été renommées à Adjamé en l’honneur de figures locales de la presse, telles que Fausseni Dembélé, John Jay ou Ricardo Zama — signe d’une volonté d’élargir la mémoire nationale à des personnalités issues de la société civile.

En réalité, la Côte d’Ivoire s’inscrit dans un tournant bien plus large, qui traverse aujourd’hui le continent. À Dakar, des débats émergent autour de la refonte de la toponymie, avec pour objectif de remplacer les appellations héritées de l’administration coloniale par celles de héros africains. Le Mali, le Burkina Faso et le Niger, eux aussi, ont entrepris de rebaptiser rues, places et infrastructures publiques en l’honneur des martyrs des insurrections populaires ou des figures de résistance. Ces initiatives convergent vers un même objectif : s’approprier l’espace public comme terrain de reconquête identitaire et politique.

Derrière ces changements de noms se dessine un enjeu fondamental : celui de la souveraineté symbolique. Dans un contexte de crispation postcoloniale, ces actes de réécriture urbaine apparaissent comme autant de ruptures assumées avec le legs français. Ils traduisent une volonté politique claire : tourner la page d’une histoire imposée pour réaffirmer une narration autonome, centrée sur les figures nationales et les aspirations populaires.

En changeant ses noms de rues, Abidjan ne fait pas que réécrire sa carte : elle redessine son horizon. Un horizon africain, affranchi, et résolument tourné vers lui-même.