Porté par une ambition continentale, le projet de gazoduc Nigeria–Maroc suscite un soutien croissant parmi les pays ouest-africains. Dernier en date à réaffirmer son engagement : le Liberia, qui voit dans cette infrastructure stratégique un levier de transformation économique et énergétique pour toute la région. À l’heure où l’Afrique de l’Ouest demeure freinée par une crise énergétique chronique, ce corridor gazier long de 5 700 kilomètres apparaît comme une réponse structurelle à un déficit devenu un véritable verrou au développement.
Lors de la Global Growth Conference 2025, Emmanuel Saye Larmeh, ministre chef de mission à l’ambassade du Liberia au Maroc, a exprimé sans ambages le soutien de son pays. « Nous pensons fortement que le succès de ce projet est fondamental », a-t-il affirmé, insistant sur l’impossibilité d’envisager une croissance économique sérieuse sans résoudre la question de l’énergie. À ses yeux, le gazoduc Nigeria–Maroc ne représente pas seulement une infrastructure d’approvisionnement, mais le socle d’un nouveau paradigme de croissance inclusive et durable en Afrique de l’Ouest.
Signataire de l’accord en 2023, le Liberia entend pleinement tirer parti des retombées économiques de ce projet. Outre la création d’emplois directs et indirects, le gouvernement libérien mise sur l’émergence de zones économiques spéciales à Monrovia, Bikano et sur d’autres points côtiers stratégiques. Un investissement estimé à 332 millions de dollars y est déjà projeté, selon le diplomate, pour préparer l’ancrage industriel d’une économie tournée vers l’énergie, la logistique et la transformation locale.
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Au-delà de l’effet de levier sur l’industrie et l’emploi, le Liberia espère également que l’accès à une énergie plus stable contribuera à améliorer la sécurité alimentaire, en réduisant les coûts de production et en facilitant la modernisation des chaînes de valeur agricoles. Un signal fort adressé aux investisseurs internationaux, appelés à accompagner cette transition.
Complémentarité entre énergie ms fossiles et renouvelables
Dans un contexte de transition énergétique mondiale, le Liberia plaide pour une approche pragmatique. « Nous croyons que l’énergie propre mènera à une croissance économique propre », a affirmé Emmanuel Saye Larmeh. Pour autant, il ne s’agit pas, selon lui, d’opposer énergies fossiles et renouvelables, mais de les articuler dans une stratégie réaliste tenant compte des contraintes de développement de la région.
Le gaz naturel est ainsi présenté comme une énergie de transition, capable de pallier l’intermittence des renouvelables, tout en offrant un cadre stable à l’industrialisation naissante de l’Afrique de l’Ouest. Le gazoduc Nigeria–Maroc pourrait, dans cette optique, devenir un vecteur d’équilibre énergétique régional, en combinant l’exploitation des ressources naturelles africaines avec une montée en puissance progressive des énergies vertes.
Le projet s’inscrit dans une logique d’intégration régionale soutenue par la Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO). Traversant une dizaine de pays, le gazoduc vise à renforcer les interconnexions énergétiques, favoriser les échanges commerciaux et consolider la coopération le long de la façade atlantique du continent.
Le Liberia, en tant que pays de transit, joue un rôle central dans cette stratégie. Il a déjà donné son accord pour un démarrage rapide des travaux sur son territoire, en étroite coordination avec les autres États partenaires. « Nos portes sont ouvertes, nos politiques sont claires et basées sur de bonnes pratiques », a affirmé Emmanuel Saye Larmeh, qui a salué la vision commune portée par le Roi Mohammed VI et le président nigérian Bola Tinubu. « L’Afrique est prête pour les affaires », a-t-il insisté, en appelant à une mobilisation accrue des institutions financières internationales.
Au-delà des seuls enjeux économiques, le gazoduc Nigeria–Maroc incarne une ambition politique : celle d’une Afrique capable de concevoir et de porter ses propres projets structurants, sans dépendance excessive à l’égard de partenaires extérieurs. « Ensemble, nous pouvons rendre l’Afrique fière et grande », a conclu le diplomate libérien, soulignant la dimension symbolique autant que stratégique d’un projet appelé à redessiner les équilibres énergétiques et économiques du continent.