Alors que près de 600 millions d’Africains vivent encore sans accès à l’électricité et qu’un milliard de personnes utilisent des méthodes de cuisson rudimentaires, la question de l’équité énergétique se pose avec acuité. Dans ce contexte, le gaz naturel apparaît, non comme une panacée, mais comme un levier pragmatique pour accompagner une transition énergétique graduelle et réaliste sur le continent. C’est ce que souligne le rapport Global Gas Outlook 2050, publié le 10 mars 2025 par le Forum des pays exportateurs de gaz (GECF), qui anticipe une hausse soutenue de la demande africaine en gaz d’ici le milieu du siècle.
Selon ce rapport, la demande de gaz naturel en Afrique devrait croître de 3 % par an jusqu’en 2050, ce qui en ferait le taux de croissance le plus élevé au monde. Elle passerait ainsi de 170 milliards de mètres cubes en 2023 à 385 milliards en 2050, portant la part du gaz dans le mix énergétique africain de 16 % à 21 %. Une évolution soutenue par plusieurs dynamiques structurelles : croissance démographique, urbanisation accélérée, industrialisation émergente et impératif d’un accès plus large à l’électricité, notamment dans les zones rurales.
Dans cette perspective, la production d’électricité s’imposera comme le principal moteur de cette consommation accrue : elle concentrera à elle seule 66 % de la demande additionnelle en gaz d’ici 2050. La consommation électrique sur le continent devrait presque tripler, passant de 934 TWh en 2023 à 2630 TWh en 2050, traduisant une croissance annuelle de 3,8 %. Le gaz naturel y joue un rôle de relais énergétique, capable de soutenir l’essor des renouvelables en assurant une fourniture stable et rapide à mettre en œuvre.
En parallèle, d’autres secteurs comme la pétrochimie, la production de méthanol, la fabrication d’engrais ou encore la cuisson domestique verront leur usage du gaz croître. En particulier en Afrique subsaharienne, où la biomasse traditionnelle reste dominante, le gaz est perçu comme une alternative moins nocive pour la santé et l’environnement local.
Cette montée en puissance s’appuiera sur une production africaine en expansion : elle devrait doubler entre 2023 et 2050, passant de 252 à 502 milliards de mètres cubes. Le Nigeria, première puissance gazière du continent, vise 127 milliards de mètres cubes à cette échéance, porté par ses réserves abondantes et les réformes introduites par la Petroleum Industry Act. Le Mozambique, avec ses méga-projets Coral South FLNG et Rovuma LNG, devrait atteindre les 95 milliards. Quant à la Mauritanie et au Sénégal, nouveaux venus sur la scène gazière, ils ambitionnent respectivement 26 et 20 milliards de mètres cubes.
Avec cette dynamique, la part de l’Afrique dans la production mondiale de gaz grimperait de 6 % à 9 % d’ici 2050. Une évolution qui s’inscrit dans un contexte global contrasté : si la demande mondiale de gaz augmentera de 32 % pour atteindre 5317 milliards de mètres cubes, elle sera tirée essentiellement par l’Afrique, l’Asie-Pacifique, le Moyen-Orient et l’Amérique latine. À l’inverse, l’Europe et l’Amérique du Nord verront leur consommation reculer, sous l’effet de politiques climatiques restrictives visant à accélérer la sortie des énergies fossiles.