À l’approche des élections municipales de 2026 en Afrique du Sud, le Congrès national africain (ANC), épuisé par les crises, peine à stopper l’hémorragie, suite à une gestion cahoteuse décriée par l’ensemble des composantes du spectre politique.
À commencer par les caciques du parti, comme Naledo Pandor, ex-ministre des Relations internationales et de la coopération (2019/2024), qui a dressé un cinglant réquisitoire contre les contreperformances de l’ANC.
« Nous avons perdu notre gloire. Ne faisons pas semblant du contraire. Les gens nous regardent avec mépris, horreur et honte », a-t-elle déclaré lors d’une rencontre récemment à Pretoria.
Un mea-culpa amer que partage Mavuso Msimang, politicien chevronné et ancien membre de l’ANC, qui s’en est pris ouvertement à l’actuel Secrétaire général du parti Fikile Mbalula, qu’il a qualifié d’ »embarras », en raison de sa conduite et de son style de leadership.
Les critiques de Msimang intensifient non seulement les pressions exercées sur la direction du parti, mais reflètent également le mécontentement plus général des vétérans qui estiment que l’ANC s’éloigne de ses valeurs fondatrices.
Senzo Mchunu, ministre de la Police controversé et membre du comité exécutif national de l’ANC, a récemment averti que le parti était au bord de l’effondrement.
Au sein du parti, comme ailleurs, des rumeurs d’effondrement refont constamment surface. Le rapport annuel 2024 de l’ANC mentionne le mot « crise » pas moins de 20 fois, y compris en faisant référence à une « crise existentielle de l’ANC ».
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Rappelant que l’ANC a déjà lancé des programmes de renouvellement par le passé, sans donner de résultats probants, elle a soutenu que la crédibilité de l’effort actuel est déjà remise en question, tant que certains s’accrochent à une mentalité toxique consistant à « piller tant qu’on peut ».
Frustrés par cette situation, même les alliés inconditionnels finissent par douter. À l’image du Parti communiste (SACP) qui a sévèrement critiqué l’arrogance de l’ANC, l’accusant d’avoir « trahi ses partisans et isolé politiquement ses partenaires de gauche ».
Signe d’un changement politique majeur, le SACP examine déjà la possibilité de se présenter de manière indépendante aux élections de 2026, au risque de torpiller l’Alliance tripartite qu’il a toujours établie avec l’ANC et la centrale syndicale Cosatu.
À mesure que les échecs de l’ANC se sont accumulés, sa légitimité s’est érodée. Les citoyens ne croient plus que le maintien au pouvoir du parti soit naturel ou inévitable.
« Ils le considèrent de plus en plus avec hostilité, suspicion ou mépris. Ils rejettent ses promesses grandiloquentes et critiquent son manque de résultats tangibles », précise John Endres, Directeur exécutif de SA Institute of Race Relations.
Un récent sondage a révélé que huit Sud-Africains sur dix estiment que leur pays va dans la mauvaise direction. « Les Sud-Africains restent profondément pessimistes quant à l’orientation de leur pays, 80 % d’entre eux estimant que l’Afrique du Sud est sur la mauvaise voie », a déclaré Robyn Williams, d’Ipsos.
Même au sein du gouvernement d’unité nationale, composé de dix partis après que l’ANC a échoué pour la première fois à remporter une majorité absolue au Parlement, les dissensions s’accentuent, les polémiques font florès.
Naturellement, les partis d’opposition exploitent chaque faiblesse, amplifient chaque échec. Ce qui jadis était un murmure est aujourd’hui un cri strident : « L’ANC a lamentablement échoué à tenir sa promesse d’une vie meilleure pour tous. Il n’existe actuellement aucune alternative libératrice au déclin de l’ANC », a affirmé Floyd Shivambu, leader du nouveau mouvement Mayibuye, assurant que toutes les tentatives de réformes de l’ANC de l’intérieur ont fait chou blanc.
Pour le fondateur du nouveau parti politique Born to Win (BWP), Boy Mamabolo, ancien député de l’ANC, « tous ceux qui sont au gouvernement depuis 1994 doivent maintenant rentrer chez eux ».
« J’ai résilié mon adhésion précisément parce que l’ANC est devenu un porc qui dévore ses propres enfants », a-t-il déclaré.
L’analyste politique Prince Mashele a affirmé que la crédibilité de l’ANC s’est effondrée sous le poids des scandales de corruption impliquant ses hauts dirigeants, le parti ayant normalisé les comportements contraires à l’éthique au plus haut niveau de l’État, tandis que les citoyens ordinaires subissent les conséquences de l’effondrement des services publics, du chômage et de la criminalité.
« L’ANC a franchi un seuil moral. Il n’est plus possible de distinguer certains de ses ministres des criminels ordinaires. Les Sud-Africains doivent désormais décider s’ils veulent continuer à être gouvernés par un tel parti », a-t-il conclu.
Alors que les signes de défiance fusent de toutes parts, l’ANC n’échappe pas aux dissensions internes, aux guerres de faction et aux batailles de succession. Tant est si bien que le Secrétaire général du parti a menacé de « sanctions sévères » les camarades qui agissent en dehors de l’autorité de l’organisation.
Autant d’indicateurs qui font dire à M. Endres que l’ANC ne sera peut-être pas renversé lors d’une confrontation dramatique, mais « il est plus probable qu’il sombre dans l’insignifiance. Du jour au lendemain, son autorité sera ignorée, ses politiques rejetées, sa réputation ruinée. Son effondrement, lorsqu’il se produira, ne sera pas spectaculaire, mais discret ».