Un nouveau point de rupture vient de s’ajouter à la relation fragile entre le Mali et l’Algérie et renforce par ailleurs le climat déjà empreint de tensions au Sahel. l’affaire est survenue la nuit du 31 mars au 1er avril, après qu’un drone des Forces Armées et de Sécurité du Mali, immatriculé TZ-98D, a été abattu dans la région de Kidal, à Tinzaouatène, non loin de la frontière avec l’Algérie. Une semaine après, le gouvernement malien accuse sans ouvertement l’Algérie d’avoir délibérément détruit l’appareil sur son territoire national, qualifiant l’acte d’“hostile, prémédité et inamical”.
Ce qui n’aurait pu être qu’un incident technique ou un accident isolé a rapidement pris les contours d’un affront diplomatique majeur. Dès les premières heures suivant le crash, le Gouvernement de la Transition a publié un communiqué officiel n°073, révélant que « l’épave a été localisée précisément […] à 9,5 km au sud de la frontière Mali-Algérie », dans le Cercle d’Abeïbara. Les autorités maliennes insistent sur le fait que toutes les données techniques du drone confirment qu’il n’a jamais quitté l’espace aérien malien.
Dans ce communiqué, Bamako ne mâche pas ses mots : « Le silence coupable du régime algérien accordé à la demande malienne et son refus de coopérer confirment la responsabilité de ce régime qui a tiré sur le drone, entraînant sa chute verticale. » Le ton est grave. L’Algérie est accusée non seulement de violation flagrante du droit international, mais surtout de complicité active avec les groupes terroristes qui écument le Sahel.
Pour les autorités maliennes, il ne s’agit pas d’une simple erreur militaire, mais bien d’un acte d’agression prémédité. Le Gouvernement de la Transition conclut avec « une certitude absolue » que l’armée algérienne a sciemment détruit un drone engagé dans une mission de surveillance contre des groupes armés opérant près de la frontière nord. « La destruction du drone a clairement pour effet, sinon pour but, d’entraver la neutralisation de groupes armés ayant revendiqué des actes terroristes », accuse Bamako.
Ce n’est pas la première fois que le Mali pointe du doigt la duplicité algérienne. Mais jamais auparavant les termes n’avaient été aussi accusateurs. « Le régime algérien, en plus de servir de base arrière aux groupes terroristes, s’engage aujourd’hui dans la lutte armée pour perpétrer des agressions contre un État voisin, en vue de protéger ses supposés terroristes », martèle le gouvernement dans ce même communiqué.
Au-delà de l’incident du drone, cet incident révèle sur la stratégie régionale de l’Algérie. Longtemps présentée comme un médiateur dans les crises sahéliennes, notamment dans l’Accord d’Alger de 2015, Alger apparaît de plus en plus comme un acteur aux ambitions opaques, dont les interventions exacerbent les tensions au lieu de les apaiser.
De fait, plusieurs chancelleries africaines et analystes géopolitiques s’interrogent depuis des mois sur la politique belliqueuse et expansionniste de l’Algérie. Ses relations houleuses avec ses voisins (Maroc, Niger, Libye et Mali), son discours souvent condescendant envers les États du Sahel, et sa tendance à jouer un rôle d’arbitre sans impartialité, ont fini par décrédibiliser Alger aux yeux d’une grande partie de la région.
« 90% des solutions maliennes se trouvent en Algérie », affirmait récemment le chef de l’État algérien dans une déclaration publique à tonalité paternaliste. Le gouvernement malien n’a pas tardé à dénoncer « l’hostilité, l’inamitié et la condescendance » qui transpirent de tels propos, les inscrivant dans une stratégie plus vaste de déstabilisation politique et militaire du Sahel.
Cet incident pourrait marquer un tournant dans les équilibres sécuritaires de la bande sahélo-saharienne. L’Algérie, qui tente visiblement de repositionner son influence régionale à travers des démonstrations de force, semble désormais confrontée à un mur : celui de la méfiance croissante de ses voisins. Son rôle supposé de « protecteur » des mouvements armés non étatiques l’expose à des accusations de parrainage du terrorisme international, comme celui de la milice du Polisario.
Bamako, de son côté, entend internationaliser cette affaire. Le gouvernement a rappelé dans son communiqué la teneur de sa déclaration du 25 janvier dernier à l’ONU, où il dénonçait déjà l’attitude ambiguë du régime algérien. Le Mali affirme aujourd’hui que ce comportement ne relève plus seulement de la passivité complice, mais bien d’une volonté de saper les efforts maliens de lutte contre les groupes extrémistes.