Alors que le fardeau de la dette publique continue de peser lourdement sur les économies africaines, le continent s’engage dans une réflexion stratégique pour sortir de cette spirale. Du 12 au 14 mai, la capitale togolaise accueille la Conférence de l’Union africaine sur la dette, réunissant chefs d’institutions, experts économiques, décideurs politiques et représentants d’organisations internationales.
L’enjeu est de taille : en 2025, la dette publique africaine devrait atteindre en moyenne 64 % du PIB, un seuil critique qui limite drastiquement les capacités d’investissement public, notamment dans les domaines vitaux que sont l’éducation, la santé ou les infrastructures. Selon les données du Fonds Monétaire International (FMI), plus de 20 pays africains consacrent davantage de ressources au service de la dette qu’aux soins de santé, et six pays dépensent plus pour rembourser leur dette que pour l’éducation.
Face à cette réalité préoccupante, la conférence de Lomé s’inscrit dans une volonté de redéfinir les règles du jeu. Le mot d’ordre : bâtir un « agenda africain » pour une gestion durable et souveraine de la dette. Claver Gatete, secrétaire exécutif de la Commission économique pour l’Afrique (CEA) a affirmé qu’il y a beaucoup à faire au niveau national : gestion macroéconomique rigoureuse, mobilisation des ressources internes, transparence budgétaire. Il a aussi insisté sur le fait qu’il fallait agir ensemble au niveau international pour réformer l’architecture financière mondiale.
La réforme du Cadre commun du G20, souvent jugé inefficace et trop lent, est au cœur des discussions, tout comme la proposition de créer une agence de notation africaine afin de corriger les biais des agences de notation internationales. Des outils innovants comme les obligations vertes et bleues, ainsi que les mécanismes de financement liés à la Zone de libre-échange continentale africaine (ZLECAf) sont également évoqués comme leviers potentiels.
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Pour Mohamed Boussaïd, ancien ministre marocain de l’Économie et des Finances, la clé réside avant tout dans la rigueur et l’innovation budgétaire interne. Il a expliqué que l’endettement n’était pas une faute en soi, mais qu’il devait être pratiqué de manière raisonnable. Ajoutant qu’il faut surtout compter sur les forces : maîtriser les déficits, élargir l’assiette fiscale, lutter contre la corruption et financer les projets de manière innovante.
La conférence devrait déboucher sur l’adoption de la Déclaration de Lomé, un document fondateur pour un nouveau pacte africain sur la dette, appelant à plus de coordination régionale, à une gestion prudente et transparente, et à une voix plus forte du continent dans les forums financiers internationaux.
Cette initiative s’inscrit dans une dynamique plus large de refonte des relations entre l’Afrique et les institutions financières internationales. Le continent, riche en ressources mais contraint par une dette écrasante, cherche à redéfinir sa souveraineté économique et à se libérer de la dépendance aux financements extérieurs à court terme.
La Conférence de Lomé apparaît ainsi comme un tournant symbolique et stratégique : l’Afrique veut cesser d’être simplement “assistée” et entend devenir co-conceptrice des solutions financières mondiales.