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De Khartoum à Abidjan : les neufs présidents qui ont façonné l’histoire de la BAD

Durant six décennies, la Banque Africaine de Développement (BAD) est passée d’une institution naissante à un pilier incontournable du financement du développement sur le continent africain. Depuis sa création en 1964 à Khartoum, jusqu’à son siège actuel à Abidjan, neuf présidents se sont succédé à sa tête, chacun incarnant une époque, une vision et une dynamique de transformation.

Élu par le Conseil des gouverneurs sur recommandation du Conseil d’administration, le président de la BAD est l’autorité suprême chargée de la gestion des affaires courantes de la Banque. Il est également le représentant légal de la Banque. Il est élu pour un mandat de cinq ans renouvelable une seule fois.

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Le président de l’institution exerce également les fonctions de président du Fonds Africain de Développement (FAD) et de président du Conseil d’administration. Il définit la structure organisationnelle, les fonctions et les responsabilités et nomme les représentants régionaux et nationaux. Il propose au Conseil d’administration la nomination des vice-présidents qui l’assistent dans la gestion courante du Groupe de la Banque, selon l’institution.

Retour sur 60 ans d’évolution et de leadership, au service d’un continent en constante mutation.

Des débuts fondateurs à l’ancrage continental 

Mamoun Beheiry, d’origine soudanaise, a inauguré l’institution en 1964 à Khartoum. Sa principale mission a été de poser les bases d’une banque africaine autonome dans un contexte post-indépendance. En 1966, le tout premier prêt est accordé, marquant le démarrage opérationnel de la BAD.

En 1970, lui succède Abdelwahab Labidi, un Tunisien, architecte de la première structuration financière de l’institution. Il initie l’augmentation de capital et surtout, crée en 1972 le FAD, bras concessionnel de la Banque, destiné aux pays les plus pauvres.

Réformes, ouverture et tensions géopolitiques

Kwame Donkor Fordwor (Ghana, 1976–1979), fervent panafricaniste, lance la réforme d’ouverture aux pays non-africains, une décision stratégique qui élargira la base d’actionnaires et renforcera les capacités financières de la Banque. C’est aussi une époque de montée en puissance du multilatéralisme.

Avec Wila D. Mung’Omba (Zambie, 1980–1985), la BAD entre dans une nouvelle ère, celle des turbulences économiques mondiales. Il repositionne l’institution après les chocs pétroliers et obtient ses premières notations financières, prélude à une crédibilité accrue sur les marchés.

Puis arrive Babacar Ndiaye (Sénégal, 1985–1995), figure emblématique et premier président à effectuer deux mandats. Sous sa houlette, la BAD passe un cap : professionnalisation interne, quatrième augmentation de capital, et première notation AAA, un label qui place la Banque au rang des institutions financières les plus fiables au monde.

Modernisation, expansion et gouvernance

Omar Kabbaj (Maroc, 1995–2005) entreprend une modernisation en profondeur. Gouvernance interne, gestion du portefeuille et nouvelles alliances internationales sont à l’ordre du jour, parfois au prix de conflits internes. Mais la BAD s’impose alors comme un partenaire stratégique des bailleurs mondiaux.

Son successeur, Donald Kaberuka (Rwanda, 2005–2015), fait figure de technocrate visionnaire. Il traverse la crise financière de 2008, transfère le siège à Abidjan après des années à Tunis, et fait de la BAD un acteur clé des grands projets d’infrastructures, notamment dans l’énergie et les transports.

Avec Akinwumi Adesina (Nigeria, 2015–2025), l’institution prend un nouveau virage stratégique avec les “High 5” : Éclairer l’Afrique, Nourrir l’Afrique, Industrialiser l’Afrique, Intégrer l’Afrique et Améliorer la qualité de vie des Africains. Sa présidence, marquée par une expansion du capital (augmenté de 115 milliards de dollars en 2019), est aussi émaillée de crises internes, notamment liées à la gouvernance.

L’ère de l’impact ? ( 2025–…)

Le 29 mai 2025, Sidi Ould Tah, économiste mauritanien et ancien patron de la Banque arabe pour le développement économique en Afrique (BADEA), est élu au troisième tour avec 76,18 % des voix, devenant ainsi le neuvième président de la BAD.

Fort d’une expérience de plus de 35 ans dans les sphères économiques africaines et internationales, il veut insuffler une dynamique de réforme et d’impact, recentrée sur quatre priorités : Répondre aux défis démographiques, investir massivement dans les infrastructures, réformer la gouvernance financière, et faciliter l’accès aux marchés de capitaux pour les pays africains.

« Maintenant, mettons-nous au travail. Je suis prêt », a-t-il déclaré à l’issue de sa victoire, selon plusieurs médias. Il prendra officiellement ses fonctions le 1er septembre 2025, à un moment charnière pour l’Afrique : instabilité géopolitique, dette publique croissante, besoins massifs en financement climatique et demande sociale de plus en plus pressante.

Aujourd’hui, avec un capital de plus de 200 milliards de dollars, une note AAA sur les marchés, et des outils de financement innovants, la BAD est plus que jamais attendue comme un catalyseur de transformation économique sur le continent.

Mais elle devra aussi se réinventer : concilier exigences de rigueur financière et besoin d’agilité, répondre aux attentes des jeunes africains et des PME, renforcer sa proximité avec les États, tout en gardant sa stature internationale.

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