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Crypto, banques et régulation : l’Afrique francophone à l’heure du virage stratégique

Par Omar El Yazidi

Les cryptomonnaies ne sont plus l’affaire de geeks ou de spéculateurs. Elles entrent dans le dur du système financier. Et, fait révélateur : ce ne sont plus les start-ups ou les dissidents numériques qui mènent la danse, mais bien les banques.

En Europe, en Amérique du Nord, et bientôt ailleurs, les établissements bancaires se préparent activement à prendre le contrôle de la révolution crypto. La raison est simple : la régulation est en train de tout changer.

MiCA : un règlement pour faire place nette

La loi européenne MiCA (Markets in Crypto-Assets), adoptée en 2023 et qui entre en vigueur fin 2024, crée un cadre juridique strict pour les acteurs crypto : obligations de transparence, capital réglementaire, gouvernance, cybersécurité…

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Derrière cette technicité se cache une réalité géopolitique : ce cadre a été façonné avec l’influence d’acteurs nord-américains de la blockchain, implantés en Europe. Et les banques européennes, déjà aguerries aux exigences réglementaires, sont les mieux placées pour en profiter.

Les fintechs, souvent fragiles et dispersées, risquent de peiner à s’adapter. Les banques, elles, avancent silencieusement mais sûrement, avec des projets de garde d’actifs numériques, services de paiement crypto, voire de staking.

Les banques ne veulent plus freiner la crypto mais la piloter

L’époque où les banques combattaient frontalement le Bitcoin est révolue. Aujourd’hui, elles veulent encadrer les actifs numériques comme n’importe quel produit financier. C’est un changement d’approche, mais aussi une opportunité majeure pour leur redéploiement technologique.

Certaines banques européennes sont déjà actives sur ce front : BBVA, Revolut, Frick Bank, BNP Paribas, entre autres, proposent des services d’investissement crypto, de portefeuilles numériques, voire des cartes liées à des actifs digitaux.

Et de l’autre côté de l’Atlantique, les régulateurs américains autorisent désormais les banques à participer directement à la validation de transactions sur blockchain (comme Ethereum ou Solana). Les géants bancaires deviennent eux-mêmes des « mineurs » ou « validateurs ».

Et le Maroc dans tout ça ?

Le Maroc, bien que pionnier régional dans la réflexion sur la monnaie numérique (dirham digital en cours de test), reste encore spectateur dans le domaine des crypto-actifs non souverains.

La réglementation est en chantier, la Banque centrale observe avec prudence, et les banques marocaines restent en retrait, à l’exception de quelques initiatives de veille technologique.

Pourtant, le Maroc dispose de sérieux atouts : Un secteur bancaire solide, reconnu en Afrique ; une ambition de faire de Casablanca Finance City un hub continental ; des talents numériques présents dans tout l’écosystème francophone.

Il est donc temps pour Rabat, Dakar, Abidjan, Tunis ou Alger de sortir du flou juridique. Non pas pour encourager la spéculation, mais pour capter la valeur, créer des cadres juridiques propres, bâtir des infrastructures souveraines, et intégrer les banques africaines dans cette nouvelle donne.

Une opportunité géostratégique pour l’Afrique francophone

Le grand basculement crypto-bancaire en cours est aussi un jeu d’influence. Si l’Afrique francophone ne définit pas ses propres règles, elle subira celles des autres : États-Unis, Europe, voire Émirats.

Pourquoi alors ne pas imaginer une plateforme panafricaine de régulation crypto, pilotée depuis Casablanca, Dakar ou Lomé ? Pourquoi ne pas positionner les banques africaines comme conservateurs d’actifs numériques pour la diaspora, les institutions ou les États eux-mêmes ?

Ce qui se joue aujourd’hui n’est pas une guerre entre crypto et banques, mais une recomposition profonde du système financier mondial. Ceux qui comprendront que la blockchain est une infrastructure et non un slogan, pourront en tirer bénéfice.

L’Afrique francophone a encore la main. Mais elle doit se réveiller vite. Le train de la régulation est déjà en marche. Et les banques sont à bord.

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