20.7 C
Casablanca
AccueilCulture & PatrimoineArts & CultureBoualem Sansal a reçu le prestigieux Prix Cino del Duca

Boualem Sansal a reçu le prestigieux Prix Cino del Duca

L’écrivain franco-algérien Boualem Sansal, emprisonné en Algérie depuis six mois, a été récompensé par le Prix mondial Cino del Duca, une prestigieuse distinction littéraire française décernée par l’Institut de France. Ce prix, doté de 200.000 euros, vient saluer l’ensemble de la carrière de Sansal, dont l’œuvre est décrite par le jury comme « un message d’humanisme moderne » et une « parole libre » portée avec courage au-delà des frontières et des censures.

La remise du prix aura lieu le 18 juin sous la Coupole de l’Institut de France, lors d’une séance solennelle rassemblant les lauréats des grands prix littéraires. Boualem Sansal rejoint ainsi un cercle très restreint de figures d’exception, aux côtés d’Andreï Sakharov, Léopold Sédar Senghor, Jorge Luis Borges, Milan Kundera ou encore, plus récemment, Kamel Daoud, autre plume algérienne récompensée en 2019.

Âgé de 80 ans, Boualem Sansal est emprisonné depuis mi-novembre 2024, arrêté à l’aéroport d’Alger à son retour d’un séjour en France. En mars 2025, il a été condamné à cinq ans de prison, à la suite d’une interview controversée donnée au média français Frontières, proche de l’extrême droite. Il y évoquait notamment une vision historique des frontières algériennes perçue comme « attentatoire à l’unité nationale », affirmant que l’Algérie avait hérité de territoires marocains sous la colonisation. Un procès jugé politique par ses soutiens, qui dénoncent une atteinte à la liberté d’expression. Un appel de cette condamnation est prévu le 24 juin.

Lire aussi : La Russie en quête d’ancrage ouest-africain

Gravement malade, Sansal suscite une mobilisation croissante. L’Élysée a récemment appelé à un « geste d’humanité » des autorités algériennes. De son côté, Alger maintient que la justice a agi « conformément à la loi ».

Entré en littérature sur le tard, en 1999, avec Le Serment des barbares, Sansal s’est rapidement imposé comme l’une des voix majeures de la francophonie contemporaine. Son œuvre, profondément critique à l’égard des dérives autoritaires et de l’islamisme radical, lui a valu admiration et censure. Le Village de l’Allemand, roman audacieux établissant un parallèle entre islamisme et nazisme, a été interdit en Algérie. Son roman 2084, dystopie inspirée d’Orwell, décrit un régime islamiste totalitaire et a été finaliste du prix Goncourt en 2015.

Distingué par l’Académie française à plusieurs reprises — Grand prix de la francophonie (2013) et Grand prix du roman (2015) —, Sansal est également publié chez Gallimard. Son éditeur a mis à disposition un avocat français pour sa défense, mais ce dernier n’a toujours pas obtenu de visa pour se rendre en Algérie.

L’affaire Sansal s’inscrit dans un contexte tendu entre Paris et Alger, marqué par le gel des coopérations bilatérales depuis l’été 2024, des expulsions réciproques de diplomates, et une rupture quasi totale du dialogue politique.

Articles récents