Blanchiment de 190 millions d’euros: le fils de Macky Sall convoqué par le parquet financier

L’étau judiciaire se resserre autour de l’ancien régime sénégalais. Amadou Sall, fils aîné de l’ex-président Macky Sall, est désormais au cœur d’une enquête majeure sur des transactions financières douteuses portant sur plus de 125 milliards de francs CFA, soit environ 190 millions d’euros. Selon les informations rapportées par l’Observateur ce lundi 28 avril, le parquet financier a convoqué Amadou Sall pour une audition prévue le 7 mai prochain.

Au centre des interrogations figure une opération de 10 milliards de francs CFA, équivalant à près de 15,2 millions d’euros, dont une partie aurait transité sous forme de bons de caisse à travers le compte de la société Woodrose Investment Ltd, hébergé par la banque NSIA. Ce compte était géré par Ndèye Seynabou Ndiaye, également visée par le réquisitoire introductif du parquet, et sur lequel Amadou Sall disposait d’une procuration, laissant penser qu’il en était le bénéficiaire économique effectif.

Les proches d’Amadou Sall tentent de justifier l’origine des fonds, avançant qu’il s’agirait du produit de la vente d’un terrain offert par son père, Macky Sall, alors chef de l’État. Cette opération immobilière aurait été orchestrée par le député-maire Farba Ngom, un fidèle du régime déchu. C’est dans ce contexte que des transferts importants auraient été opérés entre les comptes de Farba Ngom et ceux de Woodrose Investment Ltd. Toujours selon L’Observateur, d’autres personnalités, telles qu’Amadou Ba et Karim Mbacké, sont également convoquées dans cette même affaire.

Cette convocation intervient dans un climat de reddition des comptes intensifié depuis l’arrivée au pouvoir des nouvelles autorités sénégalaises en mars 2024. Selon le procureur de Dakar, Ibrahima Ndoye, plus de 250 personnes ont été interpellées entre septembre 2024 et avril 2025 dans le cadre des enquêtes du Pool judiciaire financier (PJF), avec près de 15 milliards de francs CFA, soit environ 22,8 millions d’euros, récupérés.

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Parallèlement, une autre enquête distincte concerne la gestion d’un fonds de 1 000 milliards de francs CFA – soit 1,5 milliard d’euros – alloué à la lutte contre la pandémie de Covid-19 entre 2020 et 2021. Dans cette affaire, 27 personnes ont été entendues par les autorités judiciaires, parmi lesquelles cinq anciens ministres de Macky Sall. Si 26 d’entre elles ont été libérées sous caution, l’une demeure placée en garde à vue. Les sommes saisies dans ce dossier atteignent déjà près de 260 millions de francs CFA, soit environ 396 000 euros.

Le procureur général Mbacké Fall a précisé que les personnalités ministérielles impliquées devront attendre la décision de l’Assemblée nationale quant à une éventuelle levée de leur immunité pour être jugées devant la Haute Cour de justice, seule compétente pour les ministres et anciens présidents.

Lors d’une conférence de presse tenue à Dakar, les trois procureurs en charge de ces dossiers ont affiché une volonté ferme de lutter contre la délinquance économique et financière, malgré la complexité de ces affaires souvent étendues sur plusieurs juridictions et impliquant des montages sophistiqués pour dissimuler les avoirs criminels. El Hadji Alioune Abdoulaye Sylla, procureur du PJF, a révélé que 262 personnes ont été arrêtées dans 292 affaires distinctes, entraînant la saisie de 92 véhicules de luxe ainsi que de plusieurs titres fonciers dans les régions de Thiès et de Mbour, désormais inscrits provisoirement au nom de l’État du Sénégal.

« La sauvegarde des deniers publics exige de la rigueur et de la persévérance, car elle implique de déjouer des stratégies élaborées de dissimulation », a souligné M. Sylla, insistant sur la détermination des autorités judiciaires malgré les défis logistiques et juridiques.

Pour sa part, le procureur Ibrahima Ndoye a réaffirmé l’engagement des nouvelles autorités à respecter la présomption d’innocence et les droits des personnes mises en cause, en déclarant : « Notre mission n’est pas de nous transformer en prédateurs, mais de rendre justice dans le respect des principes fondamentaux de droit ».

Ainsi, tandis que le fils de Macky Sall se prépare à répondre aux questions du parquet, l’ancien président et plusieurs figures emblématiques de son régime se retrouvent progressivement dans le viseur de la justice sénégalaise, dans ce qui pourrait devenir l’un des plus vastes scandales politico-financiers de l’histoire récente du pays.