Comme si la pression fiscale sur les ménages algériens ne suffisait pas, les autorités viennent d’annoncer une nouvelle mesure ciblant l’un des rares espaces encore accessibles à la jeunesse : l’économie numérique. Désormais, les revenus tirés des activités sur les réseaux sociaux, des formations en ligne, ou des transferts d’argent numériques seront imposés par le fisc. Une décision perçue comme une nouvelle saignée, dans un pays où l’étau économique ne cesse de se resserrer sur les plus fragiles.
Officiellement, le gouvernement justifie cette mesure par la nécessité « d’élargir l’assiette fiscale » et de « formaliser les revenus digitaux ». Mais sur le terrain, les Algériens dénoncent une décision injuste, qui touche d’abord les petits revenus, souvent précaires, gagnés à la marge par une jeunesse privée d’emploi et d’avenir.
« C’est une véritable humiliation », lâche Karim, 25 ans, vidéaste amateur sur TikTok, qui explique ne tirer de ses vidéos que l’équivalent d’un salaire de survie. « Pendant que les grosses fortunes du régime prospèrent dans l’opacité, l’État vient nous chercher jusque dans nos téléphones pour nous extorquer le peu qu’on gagne. »
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En ciblant l’économie numérique, l’État semble frapper l’un des derniers exutoires économiques accessibles à une jeunesse délaissée. Les micro-activités en ligne, les cours à distance, les créations de contenus vidéo ou les petits services numériques constituaient jusqu’ici une bouée de sauvetage pour des milliers de jeunes, sans réelle perspective sur le marché du travail algérien.
« Nous n’avons pas d’industrie, pas de marché de l’emploi, pas de liberté d’entreprendre. Tout ce qu’il nous reste, c’est Internet, et maintenant ils veulent nous le prendre aussi », dénonce un jeune formateur en ligne à Constantine.
Un appareil fiscal sans moyens et sans légitimité
Le paradoxe est frappant : alors que l’administration fiscale échoue à capter l’essentiel des revenus issus de l’économie informelle et des grandes fortunes, elle s’acharne à traquer les petits revenus numériques, dont la traçabilité reste pourtant largement hors de portée.
« L’État n’a ni les moyens techniques, ni les outils juridiques pour contrôler efficacement les flux numériques internationaux », souligne un fiscaliste à Alger. « Mais il joue la carte de l’intimidation fiscale, en espérant que les citoyens s’autodéclarent par crainte de sanctions. »
En voulant fiscaliser une économie numérique balbutiante sans offrir de cadre adapté, les autorités prennent le risque de briser une dynamique fragile. Loin de stimuler la formalisation ou la création d’entreprises numériques, cette annonce pourrait pousser encore plus de jeunes vers l’exil, alimentant une hémorragie de talents déjà massive.
« Au lieu de créer un environnement favorable à l’innovation et à l’entrepreneuriat digital, le gouvernement préfère pressurer les petits acteurs qui essaient de s’en sortir par leurs propres moyens », dénonce un expert du numérique.