Algérie : Les robes noires dénoncent la « criminalisation » du hirak

robes noires

Plusieurs avocats algériens impliqués activement dans la défense des détenus d’opinion ont vivement dénoncé les « violations » répétées des droits de l’Homme en Algérie, à l’approche des législatives du 12 juin prochain.

« Le régime a intensifié sa politique répressive contre le hirak. Nous assistons récemment à des tentatives d’intimidation ciblant des militants qui sont le cœur battant du hirak. Nous devons tous dénoncer ces pratiques qui constituent une dérive », s’indignent-ils lors d’une conférence de presse.

Selon Me Abdeghani Badi, « la justice est impliquée dans la confiscation des droits fondamentaux des citoyens, garantis par la Constitution ».

« Le hirak est criminalisé alors qu’il est consacré par la Constitution », a-t-il encore dénoncé, rappelant que 156 détenus d’opinion croupissent toujours dans les geôles algériennes pour des faits liés au hirak ou aux libertés individuelles.

L’avocat a souligné que les Algériens, qui vivent un « processus révolutionnaire », n’ont pas besoin d’accéder favorablement à la demande du ministère de l’Intérieur qui a imposé une déclaration pour autoriser les marches du hirak à Alger.

De son côté, Me Mustapha Bouchachi a exprimé son indignation face à la dégradation continue de la situation des droits de l’Homme.

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Pour lui, « l’heure est grave » et « l’opinion publique, la classe politique, les associations, les médias et les syndicats, dit-il, doivent être tenus au courant de ces agissements et pratiques qui mobilisent tout un corps de sécurité contre les citoyens ».

« Nous assistons depuis le 7 mai dernier à des dépassements dangereux systématiques et programmés contre les Algériens, à Alger et dans plusieurs villes du pays », a-t-il regretté.

« La responsabilité de ces arrestations, effectuées en dehors de la loi, incombe à la plus haute autorité de l’Etat qui donne ses instructions à la police », a-t-il expliqué.

« Nous enregistrons de graves violations à huis clos des droits des citoyens ces deux dernières semaines », a-t-il fustigé, évoquant des arrestations « arbitraires » de citoyens, parfois en pleine rue à Alger, alors que les habitants de Kabylie sont presque interdits d’accéder à la capitale, notamment le jour des manifestations hebdomadaires, et arrêtés de manière « discriminatoire ».

« Les arrestations, opérées par les forces de l’ordre, sur ordre du régime, sont illégales (…). L’appareil judiciaire et sécuritaire est au service d’un régime dictatorial », a-t-il dénoncé, relevant que « seul le régime est responsable » de cette situation.

Face aux atteintes des droits de l’Homme, Me Bouchachi a lancé un « appel de détresse » et exhorté la classe politique et les syndicats à dénoncer des pratiques « impunies ».

Selon lui, cette répression des manifestations du hirak est accompagnée d’un black-out médiatique.

L’ancien président de la Ligue algérienne pour la défense des droits de l’homme a aussi jugé « anticonstitutionnels » les procès à distance des détenus d’opinion, décidés par les autorités à cause de la crise sanitaire.

Pour sa part, Me Nabila Smaïl a fait part de « graves dépassements et violations » des droits fondamentaux et des libertés collectives et individuelles des Algériens.

« Nous vivons une situation périlleuse. Le régime emploie l’appareil judiciaire pour réprimer les Algériens qui aspirent à exercer leurs droits, pourtant garantis par la Constitution. La justice est devenue un danger pour l’Etat », a-t-elle mis en garde.

Au chapitre des violations des droits humains, l’avocate a cité les arrestations « arbitraires » lors des manifestations du hirak et la récente réquisition du wali d’Alger aux forces de l’ordre pour réprimer les manifestations du mouvement populaire.

« Pourtant, il n’y a aucun trouble à l’ordre public », a-t-elle argué, appelant les citoyens, victimes de violences policières ou d’atteinte à leurs libertés à déposer plainte.

L’oratrice a qualifié de « catastrophique » l’état de santé des détenus d’opinion, dont le nombre ne cesse d’augmenter, et ils sont privés, selon elle, du droit au panier.

Selon le dernier décompte du Comité national pour la libération des détenus et de la Ligue algérienne de défense des droits de l’Homme, 175 détenus sont actuellement en prison.

A l’approche des législatives, les autorités continuent de cibler opposants politiques, militants, journalistes et internautes, multipliant poursuites judiciaires et condamnations.

( Avec MAP )