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Afrique : l’urgence d’une souveraineté pharmaceutique face aux crises sanitaires

Alors que l’Afrique progresse dans les secteurs des infrastructures, de l’énergie renouvelable et de l’industrialisation, le continent reste fragile face aux enjeux sanitaires. Dans plusieurs pays africains, les pandémies et les maladies chroniques continuent de représenter une menace, mettant en lumière une forte dépendance à l’importation de médicaments. Ces importations, bien qu’en partie subventionnées, demeurent souvent inaccessibles pour une majorité de la population, compte tenu du faible pouvoir d’achat. Toutefois, au-delà de la dimension économique, c’est un enjeu stratégique qui se dessine : dans un contexte géopolitique instable et exposé aux conflits internationaux, la dépendance pharmaceutique représente un risque majeur pour la souveraineté sanitaire de l’Afrique.

La pandémie de la COVID-19 a brutalement rappelé la vulnérabilité du continent en matière de santé publique. Les ruptures dans les chaînes d’approvisionnement mondiales, exacerbées par la fermeture temporaire des usines chinoises – lesquelles fournissent 70 % des ingrédients pharmaceutiques actifs (API) aux fabricants indiens – ont paralysé l’accès à des médicaments vitaux. L’Inde, principal fournisseur de médicaments génériques dans le monde, a dû limiter ses exportations, aggravant la crise d’approvisionnement. Ce choc a agi comme un révélateur d’une dépendance déjà largement documentée : plus de 70 % des médicaments consommés en Afrique sont importés, pour un coût annuel estimé à 14 milliards de dollars, selon la Banque Africaine de Développement.

Une étude récente publiée dans le Journal of Pharmaceutical Policy and Practice (juillet 2024) a révélé que près d’un médicament sur cinq en Afrique serait de mauvaise qualité. Sur 7 508 échantillons testés dans 27 études, 1 639 ont échoué à au moins un critère de qualité. Ces produits non conformes, voire contrefaits, seraient responsables de la mort de jusqu’à 500 000 personnes par an en Afrique subsaharienne, selon l’Office des Nations unies contre la Drogue et le Crime. Face à ce fléau, les experts appellent à un renforcement des contrôles dans les chaînes d’approvisionnement, ainsi qu’à une plus grande transparence de la part des industriels pharmaceutiques.

La nécessité de la recherche et du développement

Le continent, bien qu’il supporte 25 % du fardeau mondial des maladies, ne mène que 2 % de la recherche sur les infections émergentes. Ce déséquilibre reflète non seulement une insuffisance de financement, mais aussi un accès limité aux technologies et à l’innovation, aussi bien dans le secteur public que privé. À cet égard, les initiatives comme la Fondation Science pour l’Afrique, l’African Vaccine Manufacturing Initiative ou encore les Partenariats pour la fabrication de vaccins en Afrique jouent un rôle crucial dans la structuration d’un tissu scientifique capable de soutenir une industrie pharmaceutique souveraine.

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Dans cette dynamique, la création en 2022 de la Fondation africaine pour la technologie pharmaceutique (APTF) par la Banque Africaine de Développement, en collaboration avec l’Union africaine, constitue une étape stratégique. Cette agence vise à faciliter le transfert de technologies, à combler les lacunes techniques persistantes et à accompagner les entreprises pharmaceutiques africaines dans l’amélioration de la qualité de leurs produits. Selon le président de la BAD, Akinwumi Adesina, l’objectif est clair : bâtir un écosystème de recherche et de développement pharmaceutique africain, capable de soutenir des industries locales compétitives et indépendantes.

Cet effort de structuration du secteur s’accompagne également d’une volonté de régulation harmonisée à l’échelle continentale. L’Agence Africaine des Médicaments (AMA), mise en place sous l’égide de l’Union africaine, a pour mission de coordonner et de renforcer la réglementation pharmaceutique à travers le continent. Elle cherche à assurer la qualité et la sécurité des médicaments, tout en promouvant la coopération scientifique et la mutualisation des ressources entre États membres. L’AMA ambitionne aussi de lutter efficacement contre les médicaments contrefaits, en favorisant un meilleur partage des données issues de la surveillance du marché et en développant des infrastructures réglementaires solides.

Néanmoins, selon les organisations internationales, la souveraineté pharmaceutique en Afrique ne pourra se réaliser sans une transformation en profondeur de son modèle sanitaire. Cela implique d’investir dans les infrastructures, la formation, la régulation, la production locale et surtout dans la confiance que les Africains accordent à leurs propres systèmes de santé.

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